Therapeutiques nutritionnelles dans les mici : bilan et perspectives

Cours n°24
SPECIFICITES DES MICI CHEZ LES ENFANTS. PRISE EN CHARGE.

I. INTRODUCTION
Le principal facteur de gravité de la maladie de Crohn (MC) chez l'enfant est son retentissement sur la
croissance staturo-pondérale et le développement pubertaire, dont la surveil ance est indispensable
pour apprécier l'activité de la maladie et l'efficacité des traitements. La recto-colite hémorragique (RCH)
se caractérise chez l’enfant par l’extension des lésions dès le diagnostic.
Les MICI peuvent favoriser l’apparition de troubles psychologiques (moindre estime de soi) et d’un
absentéisme scolaire préjudiciables à la qualité de vie et à une bonne insertion socio-professionnelle à
l’âge adulte (Lindfred, 2008 ; Perrin, 2008). Des recommandations pour le diagnostic de MC et de RCH
chez l’enfant et l’adolescent ont été publiées (NASPGHAN, 2007).
II. EPIDEMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE DE LA MALADIE DE CROHN ET DE
LA RECTO-COLITE HEMORRAGIQUE
II.1. Epidémiologie
Aux Etats-Unis, on estime que le nombre de sujets atteints de MICI dépasse un mil ion et qu’environ
100.000 d’entre eux sont des enfants et des adolescents (Bousvaros, 2006).
Le registre EPIMAD, qui recense tous les nouveaux cas de MICI diagnostiquées dans le Nord-Ouest de
la France (départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et de la Seine-Maritime), a colligé en
12 ans (1988-1999) tous les cas pédiatriques (limite supérieure d’âge d’inclusion fixée à 17 ans au
diagnostic), soit 7,2% de l’ensemble des MICI (9,2% pour la MC et 4,9% pour la RCH) (Auvin, 2005).
Ce chif re est plus faible que les 20 à 25% de cas pédiatriques habituellement rapportés dans la
lit érature. Cette dif érence tient probablement au fait que la plupart des études publiées ne rendent
compte que de cas hospitaliers, à l’inverse du registre EPIMAD, qui collige l’ensemble des cas de MICI
en population générale, quel que soit le type de leur prise en charge (médecine libérale ou hospitalière).
Ces cas pédiatriques de MICI se répartissaient en MC (72%), RCH (24%), soit une proportion de 3 MC
pour 1 RCH, et colite chronique indéterminée (4%). L’incidence annuelle des MICI à début pédiatrique
dans le Nord-Ouest de la France est de 3,1/105, dont 2,3/105 pour la MC et 0,8/105 pour la RCH (Auvin,
2005). L’incidence de la MC est analogue à celle rapportée au Royaume-Uni et dans les pays
scandinaves, où l’incidence de la RCH est par contre 2 à 3 fois plus élevée que dans le Nord-Ouest de
la France (Sawczenko, 2001 ; Lindberg, 2001). L’âge médian au diagnostic est de 14 ans, que ce soit
pour la MC ou la RCH.
Auteur : Dominique TURCQ
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Chez l’enfant et l’adolescent, à l’inverse de ce qui est observé chez l’adulte, la MC affecte plus souvent
les garçons que les fil es avec un sexe ratio F/H de 0,9 (1,3 chez l’adulte). Cette inversion du sexe ratio
chez l’enfant par rapport à l’adulte est également retrouvée pour la RCH qui touche plus souvent les
filles, avec un sexe ratio F/H de 1,4 (0,8 chez l’adulte).
La localisation de la MC et de la RCH au diagnostic est dif érente chez l’enfant et chez l’adulte. Chez
l’enfant, la localisation initiale de la MC est dans la majorité des cas iléo-colique, avec 71% des cas
contre 60% chez l’adulte. En revanche, les atteintes limitées au côlon ou au grêle sont un peu moins
fréquentes, avec respectivement 10% et 19% des cas, contre 20% et 21% chez l’adulte. Chez l’enfant,
la localisation pancolique de la RCH est plus fréquente, avec 32% des cas contre 18% chez l’adulte,
alors que l’atteinte rectale isolée est plus rare, avec 11% des cas contre 31% chez l’adulte. Il n’y a pas
d’influence du sexe sur la localisation des MICI au diagnostic (Gupta, 2007).
La grande majorité des cas de MC pédiatriques (75 %) est diagnostiquée dans la première année
suivant le début de la symptomatologie, dont 50% dans les deux mois. Du fait de la fréquence élevée
des rectorragies, le délai diagnostique médian est plus court dans la RCH (2 mois) que dans la MC (4
mois).
En 12 ans de registre EPIMAD (1988-1999), l’incidence des MICI avait augmenté significativement de
26% pour l’ensemble de la population, enfants et adultes confondus, passant de 5,2/105 pour la période
1988-90 à 6,4/105 pour la période 1997-1999 (Molinié, 2004). Chez les enfants, l’incidence de la MC
était passée de 2,1 à 2,6/105, soit une progression de 20%, à la limite de la significativité. L’incidence de
la RCH chez l’enfant au cours de ces 12 années avait diminué parallèlement de 17%, là encore de
façon non significative, probablement en raison d’une population réduite (Auvin, 2005).
Dans un travail récent reprenant l’ensemble des données épidémiologiques de la cohorte EPIMAD de
1988 à 2007, il a été montré que l’incidence de la MC avait augmenté de 71% de 1988- 1990 à 2006-
2007 chez les 10-19 ans, alors que l’incidence de la RCH avait diminué pendant la même période
(Chouraki, 2011).

I . Facteurs de risque
Une recherche des facteurs environnementaux actifs dans l’enfance a été réalisée dans le cadre d’une
étude cas-témoins pédiatriques (Baron, 2005). L’analyse multivariée retrouvait les facteurs de risque
suivants pour la MC : 1) antécédent familial de MICI : Odds ratio (OR) = 4,3 [Intervalle de confiance (IC)
95% : 2,25-8,1] ; 2) allaitement : OR = 2,5 [IC 95% : 1,5-4,2] ; 3) vaccination par le BCG : OR = 2,8 [IC
95% : 1,1-7,2] ; 4) eczéma : OR = 2,9 [IC 95% : 1,5-5,9] ; elle ne confirmait pas le rôle d’autres facteurs
de risque préalablement incriminés comme le tabagisme passif, que ce soit pendant la grossesse, la
période péri-natale et l’enfance, ou la rougeole (maladie et vaccination).
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Le rôle des infections bactériennes dans la petite enfance, plus précisément de l’utilisation
d’antibiotiques à l’origine de modifications du microbiote intestinal est évoqué, mais non démontré avec
certitude. Une étude suédoise a ainsi montré que l’existence d’une pneumonie avant l’âge de 5 ans était
un facteur de risque de maladie de Crohn non seulement à l’âge pédiatrique mais aussi à l’âge adulte :
OR = 2,74 [IC 95% : 1,04-7,21]
Le rôle de l’allaitement est controversé (Jantchou, 2005), et dif icile à mettre en évidence. Il est en effet
impossible pour des raisons éthiques évidentes de randomiser des nouveau-nés pour être nourris au
biberon ou allaités. Il faut donc se contenter d’études d’observation, qui sont moins puissantes. Une
première méta-analyse incluant 4 études a conclu à un probable effet protecteur, avec une diminution
du risque de l’ordre de 50%, tant vis à vis de la MC que de la RCH (Klement, 2004). Une seconde méta-
analyse incluant 7 études confirmait cet effet protecteur, avec une diminution du risque de MICI de
l’ordre de 30%, sans dif érence significative entre la MC (réduction de 36%) et la RCH (réduction de
28%) (Barclay, 2009).
Dans le cadre de l’étude cas-témoins pédiatrique mentionnée ci-dessus, l’analyse multivariée retrouvait
comme facteurs de risque de la RCH : 1) antécédent familial de MICI : OR = 12,5 [IC 95% : 2,2-71,4] ;
2) existence d’une grossesse pathologique : OR = 8,9 [IC 95% : 1,5-52] ; 3) partage de la chambre avec
un autre membre de la famil e pendant l’enfance : OR = 7,1 [IC 95% : 1,9-27,2]. A l’inverse,
l’appendicectomie constituait un important facteur protecteur : OR = 0,06 [IC 95% : 0,01-0,36]. D’autres
études ont également montré que l’appendicectomie réalisée avant l’âge de 20 ans pour une
appendicite ou une adénolymphite mésentérique était protectrice vis à vis de la RCH (Andersson,
2001).
On peut retenir de ces dif érentes publications que les antécédents familiaux de MICI constituent un
important facteur de risque de MICI chez l’enfant, que l’allaitement semble associé à un moindre risque
de MC et de RCH, et que l’appendicectomie avant l’âge de 20 ans constitue un facteur de protection
vis-à-vis de la RCH.

I I. MALADIE DE CROHN (MC)
III. 1. Symptomatologie clinique de la MC
Plusieurs types de symptômes peuvent être révélateurs de la MC chez l’enfant et l’adolescent : les
troubles digestifs, les signes extra-digestifs et, spécifiques de cette tranche d’âge, les anomalies de la
croissance staturo-pondérale et du développement pubertaire.
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Les douleurs abdominales sont observées selon les séries pédiatriques dans 60 à 85% des cas au diagnostic. Certains symptômes initiaux de la MC semblent plus fréquents chez l’enfant et l’adolescent que chez l’adulte : perte de poids, fièvre et lésions anales (Tableau I). Les signes extra-digestifs les plus fréquents sont avant tout les arthralgies (Jose, 2009) puis les signes cutanés, en particulier l’érythème noueux. L’amaigrissement est quasi constant au diagnostic, et dans environ la moitié des cas, le poids au diagnostic est inférieur au 3ème percentile ou à – 2 déviations standard (DS) (Bocquet, 2005). Une étude nord-américaine récente incluant 783 patients pédiatriques a montré que l’indice de corpulence [Poids (kg)/Taille2 (m2)] était inférieur au 5ème percentile chez 23% des patients ayant une MC et 8% de ceux ayant une RCH. Un surpoids (indice de corpulence supérieur au 90ème percentile) était noté chez respectivement 10% des patients avec MC et 25% de ceux avec RCH (Kugathasan, 2007). Un retard statural, défini par une tail e inférieure au 3ème percentile ou à – 2 DS, est observé dans environ un quart des cas, souvent associé à un retard harmonieux de la maturation osseuse et du développement pubertaire. Il est d'autant plus fréquent que la maladie a débuté tôt dans l'enfance mais ne dépend ni de la topographie ni de l’étendue des lésions. Il n’est pas rare que le retard de croissance staturo-pondérale soit pendant plusieurs mois voire plusieurs années la seule expression clinique de la MC. Il a été montré qu’au cours de la MC chez l’enfant et l’adolescent, le ralentissement de la vélocité de croissance staturale précédait une fois sur 2 l’apparition des troubles digestifs. Il faut donc évoquer le diagnostic de MC en présence d’un retard staturo-pondéral ou pubertaire apparemment isolé. Dans une série de 261 patients ayant une MC à début pédiatrique (avant l’âge de 17 ans), on notait une tail e inférieure à – 2 DS dans 9,5% des cas au diagnostic et dans 6,9% au suivi maximal (Vasseur, 2010). Le retard pubertaire se définit par l’absence de tout caractère sexuel secondaire chez la fil e à l’âge de 13 ans (le 1er signe est le développement des mamelons) et chez le garçon à l’âge de 14 ans (le 1er signe est l’augmentation du volume testiculaire). Il justifie la réalisation d’une radiographie du poignet pour évaluation de l’âge osseux. Le pronostic statural définitif est d’autant meil eur que l’âge osseux est retardé par rapport à l’âge chronologique, témoignant alors d’importantes capacités résiduelles de croissance, sous réserve que la MC soit contrôlée, en particulier le syndrome inflammatoire. Le développement pubertaire est apprécié selon la classification de Tanner en 5 stades du stade I (prépubère ou infantile) au stade V (adulte). En phase pré-pubertaire ou pubertaire précoce (stades I et I de Tanner), un ralentissement de la croissance staturale précède le diagnostic de MC dans près de 90% des cas et l'apparition des autres symptômes dans près de 50% des cas (Kanof, 1988). Auteur : Dominique TURCQ
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Le dépistage précoce du retentissement statural de la maladie est donc essentiel. Il repose sur des critères dynamiques simples : vélocité de croissance staturale inférieure à 4-5 cm/an de l’âge de 3 ans jusqu’au début de la puberté, quel que soit le sexe ; infléchissement de plus d'une déviation standard de la courbe de tail e. Les facteurs impliqués dans le retard de croissance de la MC sont divers. L’anorexie joue un rôle très important. En effet, les ingesta ne couvrent habituellement que 50 à 80 % des apports énergétiques conseil és pour l'âge. Cette anorexie a aussi une origine psychologique chez ces enfants qui ont souvent une image corporelle très dégradée. Lorsqu’elle est prolongée avec une dose de predniso(lo)ne supérieure à 0,2-0,3 mg/kg/jour, la corticothérapie entraîne chez l’enfant et l’adolescent un ralentissement de la vitesse de croissance staturale secondaire à des altérations du métabolisme protéique. L’importance du retard de croissance semble directement reliée à la sévérité de la MC et à la dose cumulée de corticoïdes. La surveil ance de la vitesse de croissance staturale est donc essentiel e au cours du suivi d’une MC traitée (Bocquet, 2005). La diminution de la vitesse de croissance staturale peut être un des premiers signes du contrôle insuffisant ou de rechute de la maladie, ou être secondaire à une corticothérapie prolongée et/ou inadaptée. De telles modifications doivent à elles seules conduire à modifier la prise en charge thérapeutique pour permettre à l’enfant ou à l’adolescent d’atteindre à l’âge adulte une tail e la plus proche possible de sa tail e cible, qui dépend de la tail e de ses deux parents. Chez la fil e, la tail e cible (cm) est obtenue par la formule : [Tail e du père (cm) + Tail e de la mère (cm) – 13]/2. Chez le garçon, la tail e cible (cm) est obtenue par la formule : [Tail e du père (cm) + Tail e de la mère (cm) + 13]/2. III. 2. Explorations complémentaires
Une suspicion de MC chez un enfant ou un adolescent justifie la réalisation des mêmes examens
biologiques (recherche d’un syndrome inflammatoire, bilan nutritionnel, recherche de p-ANCA et
d’ASCA) et des mêmes bilans morphologiques (imagerie, endoscopie) que chez l’adulte. On réalise
systématiquement une fibroscopie haute lors de la coloscopie à la recherche d’un granulome
épithélioïde. Il a en effet été démontré chez l’enfant et l’adolescent que même en l’absence de lésions
macroscopiques du tractus digestif supérieur, la réalisation de biopsies multiples permettait de mettre
en évidence un granulome épithélioïde dans 10 à 20% des cas (Lenaerts, 1989). Une étude
prospective de la sensibilité et de la spécificité des examens morphologiques pour le diagnostic initial
de MC chez l’enfant et l’adolescent a montré que la réalisation d’une échographie abdominale et d’un
scanner digestif avec injection constituait le protocole le plus adéquat, en association avec le bilan
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endoscopique (Er era, 2004). Le transit du grêle avec entéroclyse était beaucoup moins performant
pour le diagnostic de MC, mais restait performant en cas de suspicion de sténose du grêle. L’entéro-
IRM, qui a supplanté l’entéroscanner depuis quelques années, a en outre l’intérêt d’éviter l’ir adiation
des patients, d’autant que les enfants sont beaucoup plus sensibles aux radiations ionisantes que les
adultes.
Sur le plan morphologique, il faut explorer complètement la première poussée, surtout en cas de colite
isolée, mais être économe en examens complémentaires morphologiques dans les poussées
ultérieures, surtout si leur sémiologie est analogue à celle de la poussée inaugurale de la MC. Il faut en
effet garder à l’esprit le risque d’exposition aux radiations sur un organisme en croissance en cas
d’examens morphologiques itératifs. La place de la vidéo-capsule endoscopique n’est pas encore bien
établie dans l’exploration morphologique de la MC de l’enfant et l’adolescent, mais elle pourrait, tout
comme chez l’adulte, trouver une indication élective en cas d’atteinte préférentielle ou isolée du grêle
(Guilhon de Araujo Sant’Anna, 2005), et pour faciliter le diagnostic dif érentiel entre MC et RCH
(Cohen, 2008).
III. 3. Histoire naturelle de la MC
Par rapport aux adultes, la MC se caractérise chez l’enfant par une localisation intestinale dif use, en
particulier iléo-colique et du tractus digestif supérieur, et par une progression précoce et rapide des
lésions
Dans une série récente de 989 patients âgés de moins de 17 ans au diagnostic de MC, on notait que
l’évolution de la MC était plus sévère chez les fil es et que l’apparition d’un retard de croissance était
plus fréquente chez les garçons (Gupta, 2007).
Dans la population pédiatrique du registre EPIMAD, on notait également la fréquence élevée des
lésions étendues iléo-coliques au diagnostic (63%) et l’extension de ces lésions au cours du suivi
(31%), et le risque augmenté de recours à la chirurgie en cas de forme sténosante de la MC au
diagnostic (Vernier-Massouil e, 2008). La notion d’une évolution de la MC plus agressive chez l’enfant
que chez l’adulte est maintenant communément admise (Hyams, 2005 ; Turunen, 2009).
I I. 4. Traitement médicamenteux de la MC
Le choix du traitement dépend de l’état nutritionnel de l’enfant, de son âge, de la nature et de
l’extension des lésions inflammatoires digestives, et de la durée et du mode d’évolution de la maladie.
En pédiatrie, les données «basées sur des preuves» sont encore peu nombreuses et l’extrapolation
des études réalisées chez des patients adultes est souvent la seule attitude possible, tout en gardant
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soigneusement à l’esprit les éventuels ef ets indésirables de la MC et des dif érents traitements sur un organisme en croissance et en développement. I I. 4. 1. Les médicaments
L’efficacité des aminosalicylates les fait réserver aux poussées de faible intensité. Tout comme chez
l’adulte, leur intérêt dans la prévention des rechutes n’est pas établi avec certitude chez l’enfant et
l’adolescent. Le métronidazole peut induire après un mois de traitement une neuropathie périphérique
le plus souvent réversible à l’arrêt du médicament. La ciprofloxacine n’a pas l’autorisation de mise sur
le marché chez l’enfant en dehors de la mucoviscidose. Ces 2 médicaments sont donc peu prescrits
chez l’enfant.
Les corticostéroïdes systémiques [predniso(lo)ne 1 mg/kg/j sans dépasser 40 mg/j] permettent
d’obtenir une rémission clinique des poussées dans 80-90% des cas chez l’enfant (Heuschkel, 2000).
Les corticoïdes sont utilisés par voie orale dans les poussées d’intensité moyenne à sévère, mais
uniquement en l’absence de toute dénutrition sévère et surtout de tout retard staturo-pondéral ou
pubertaire. Le traitement doit être le plus court possible avec décroissance progressive dès la
rémission obtenue, en moyenne après 4 semaines. La décroissance est habituellement effectuée de la
façon suivante : diminution chaque semaine de la dose quotidienne de corticoïdes de 5 mg (par
exemple 40, puis 35 puis 30 mg/j, etc…), puis, à partir d’une dose quotidienne de 10 mg/j, diminution
de cette dose de 2,5 mg chaque semaine (c'est-à-dire 7,5 puis 5 puis 2,5 mg/j, puis arrêt. La durée de
la décroissance est donc de l’ordre de 6 à 8 semaines.
Les ef ets secondaires des corticoïdes (en particulier déminéralisation osseuse et retentissement sur la
croissance) sont bien connus et en limitent à juste titre l’utilisation au long cours. C’est la durée
prolongée du traitement et l’impossibilité de diminuer les doses de corticoïdes qui entraînent des
complications iatrogènes. Dans une étude récente, la prévalence de l’ostéoporose à l’âge pédiatrique
était de l’ordre de 8% chez la fil e et de 20% chez le garçon, mais n’était pas associée aux traitements
corticoïdes (Walther, 2006). Il n’a pas été démontré d’augmentation du risque de fracture des os longs
à l’âge pédiatrique en cas de MICI (Persad, 2006).
L’efficacité du budésonide a été validée chez l’enfant pour le traitement des poussées de MC à
localisation iléo-colique droite, à la posologie de 9 mg/jour en une prise pendant 8 semaines (Escher,
2004). Le budésonide a a priori moins d’effets indésirables que la predniso(lo)ne, en particulier sur la
croissance. Les traitements immuno-modulateurs ont une place croissante au cours de la MC chez
l’enfant et l’adolescent (Markowitz, 2002). La cortico-dépendance est définie par la réapparition de
symptômes lors de la décroissance de la posologie de la predniso(lo)ne ou du budésonide ou par
l’existence d’une rechute dans un délai de moins de 3 mois après l’arrêt de l’un de ces médicaments.
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L’azathioprine est utilisée en cas de corticodépendance ou de poussées récurrentes de MC. Son délai d’action est le plus souvent de l’ordre de 4 mois, et on peut conclure à son inefficacité après 6 mois de traitement. Un sevrage de la corticothérapie peut être obtenu dans 60-65% des cas chez l’enfant. Leur utilisation précoce dès la première poussée afin de modifier l’évolution de la maladie sur le long terme est actuellement débat ue, mais est préconisée par certains auteurs, notamment en cas d’atteinte étendue d’emblée, en particulier colique extensive (Markowitz, 2000). Aucun facteur prédictif d’évolution péjorative n’a néanmoins été individualisé chez l’enfant (Savoye, 2012). L’azathioprine est utilisée initialement à la posologie de 2,5 mg/kg/jour, sous réserve d’un phénotype extensif de l’activité thiopurine-S-méthyl- transférase (TPMT). Le dosage de la 6-thioguanine nucléotide érythrocytaire permet une adaptation de sa posologie, une optimisation de son efficacité et une diminution de l’incidence de ses ef ets indésirables (Banerjee, 2006). L’azathioprine permet une réduction du recours à la chirurgie, d’autant plus qu’il est prescrit plus tôt dans l’histoire de la MC (Vernier-Massouil e, 2008). Le méthotrexate à faible dose est utilisé en cas de corticodépendance, d’échec de l’azathioprine, ou encore de complications (Uhlen, 2005 ; Turner, 2007). Administré idéalement par voie sous-cutanée, le méthotrexate permet un sevrage des corticoïdes et une amélioration de la vélocité de croissance dans environ 1 cas sur 2 chez l’enfant et l’adolescent (Uhlen, 2005 ; Turner, 2007, Ravikumara, 2007). On note assez souvent un épuisement progressif de l’effet thérapeutique, avec une survenue de rechutes dans environ 50% des cas après une durée de traitement de 3 ans en moyenne (Uhlen, 2005). La dose recommandée est de l’ordre de 15 mg/m2 en une injection sous-cutanée hebdomadaire. La surface corporelle peut être facilement calculée en utilisant la formule suivante : S (surface corporelle en m2) = 4 x P (poids en kg) + 7/P + 90. Dans une série limitée de 11 patients, la biodisponibilité du méthotrexate per os semblait identique à celle de la voie sous-cutanée (Stephens, 2005). Les complications des traitements immunomodulateurs ne semblent pas plus fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte, sous réserve d’une surveil ance clinique et biologique at entive, analogue à celle réalisée chez l’adulte. L’infliximab est utilisé chez l’enfant selon les mêmes modalités que chez l’adulte, et le recul par rapport à son utilisation devient plus important (Lamireau, 2004). Les résultats sont analogues à ceux décrits chez l’adulte et les équipes utilisent un traitement d’entretien systématique toutes les 8 semaines, une fois la rémission obtenue après les 3 perfusions initiales du traitement d’attaque (Baldassano, 2003). La posologie est identique à celle de l’adulte (5 mg/kg/perfusion), et les effets indésirables ont une fréquence analogue à celle de l’adulte. Il faut néanmoins signaler la description de cas de lymphome T hépato-splénique chez des enfants et des jeunes adultes traités par infliximab, qui recevaient de façon concomitante de l’azathioprine (Thayu, 2005), contre-indiquant par précaution le maintien au long cours de cette association thérapeutique. Auteur : Dominique TURCQ
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L’infliximab est d’autant plus efficace de façon prolongée qu’il a été débuté plus tôt dans l’histoire de la MC (Kugathasan, 2000). Il n’a pas d’effet négatif spécifique sur la croissance. Au contraire, la disparition de la cortico-dépendance et du syndrome inflammatoire s’accompagne le plus souvent d’une amélioration de l’état nutritionnel et d’une reprise de la croissance et du développement pubertaire (Diamanti, 2009). Une étude pédiatrique récente a montré une augmentation importante des teneurs en biomarqueurs de la formation osseuse après traitement par infliximab (Thayu, 2008). L’expérience pédiatrique de la thalidomi de l’adalimumab (Wyneski, 2008) dans la MC de l’enfant est encore limitée, mais l’adalimumab semble aussi efficace que chez l’adulte.
I I. 4. 2. Les indications thérapeutiques
Les médicaments peuvent être prescrits en association avec une thérapeutique nutritionnelle. Les anti-
inflammatoires non stéroïdiens sont utilisés en première intention dans les formes peu ou modérément
actives, localisées au niveau iléal distal et/ou colique. Les corticoïdes sont prescrits per os dans les
poussées d’intensité moyenne à sévère quelle soit la localisation de la MC, sous la réserve expresse
de l’absence de tout retentissement staturo-pondéral ou pubertaire de la MC. Dans les formes
résistantes, on peut recourir temporairement à la voie intra-veineuse. L’azathioprine est utilisée en cas
de cortico-dépendance ou après une intervention chirurgicale. De plus en plus d’auteurs préconisent
son utilisation dès la première poussée en cas d’atteinte colique extensive ou dif use à l’ensemble du
tube digestif, dont on connaît la propension à des récidives fréquentes. Cette attitude est néanmoins
controversée. Le méthotrexate est habituellement prescrit en cas d’échec ou d’intolérance à
l’azathioprine. L’infliximab, qui possède l’autorisation de mise sur le marché dans la MC de l’enfant et
de l’adolescent, est réservé aux formes rebelles et aux fistules réfractaires. L’utilisation des
immunomodulateurs permet de réduire la cortico-dépendance et le nombre d’hospitalisations. Dans
l’expérience de la cohorte EPIMAD, les patients ayant une MC à début pédiatrique traités par infliximab
subissaient moins d’interventions chirurgicales, et amélioraient leur croissance en tail e, surtout quand
ils recevaient des perfusions programmées d’infliximab (Crombé, 2011). Tout comme chez l’adulte, il
reste à préciser si une utilisation plus précoce et/ou plus large des immunomodulateurs chez l’enfant et
l’adolescent permettrait ou non de modifier l’histoire naturelle de la maladie (Heuschkel, 2007 ; Punati,
2008).
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IV. 5. Prise en charge nutritionnelle de la MC
La prise en charge nutritionnelle de la MC a un double objectif chez l'enfant et l'adolescent : 1) prévenir
ou, si nécessaire, corriger le déficit énergétique et les carences nutritionnelles spécifiques, dans le but
d'assurer une croissance staturo-pondérale et un développement pubertaire normaux ; 2) être une
alternative efficace au traitement médicamenteux, en particulier à la corticothérapie, pour le contrôle
des poussées de la maladie. Une revue récente fait la synthèse des recommandations destinées à
prévenir et/ou à traiter le retard de croissance au cours des MICI (Heuschkel, 2008).
Le choix du mode d'assistance nutritive dépend de la localisation de la maladie, de son ancienneté et
de son évolutivité, de l’existence ou non de complications, des traitements antérieurs et de leur
efficacité, et surtout des résultats de l'évaluation de l'état nutritionnel et du développement staturo-
pondéral et pubertaire.
Outre les critères anthropométriques habituels, cette évaluation repose sur les éléments suivants :
évaluation diététique à la recherche d'un déficit énergétique ; appréciation soigneuse du
développement pubertaire selon la classification de Tanner et évaluation de l'âge osseux ; recherche
d'une malabsorption et de carences nutritionnelles spécifiques. La MC peut en effet s’accompagner
d’une carence en zinc (cheveux plus rares et cassants, desquamation des extrémités), d’une carence
en fer (cheveux plus rares et cassants, pâleur cutanéo-muqueuse) et aussi de signes d’entéropathie
exsudative (oedèmes des membres inférieurs, hippocratisme digital).
On utilise surtout comme indice d’activité le Pediatric Crohn’s Disease Activity Index (PCDAI), qui tient
compte de la croissance staturale (Hyams, 1991).
Au cours d’une poussée de MC peu étendue et sans retentissement nutritionnel, l'approche
nutritionnelle repose sur l'alimentation orale fractionnée, associée au traitement médicamenteux anti-
inflammatoire. Il est primordial d'assurer la couverture des besoins énergétiques des patients, en
estimant a priori qu'ils sont en moyenne supérieurs de 20 à 50 % aux apports conseil és pour l'âge. En
cas de traitement de la poussée par corticothérapie, l’alimentation doit être limitée en sodium et en
glucides simples, et enrichie en protéines, calcium (500-1000 mg/j) et vitamine D (1000-2000 UI/j), bien
que l’efficacité de cette supplémentation vitamino-calcique sur la densité minérale osseuse n’ait pas été
démontrée (Benchimol, 2007). Les carences spécifiques en vitamines, minéraux et oligoéléments
nécessitent une supplémentation dont l'ef icacité doit être vérifiée par des contrôles biologiques.
Chez l'enfant et l’adolescent, la nutrition élémentaire ou semi-élémentaire par voie orale peut assurer à
elle seule, en l’absence de tout traitement anti-inflammatoire concomitant, le contrôle des poussées de
la MC. Les qualités organoleptiques médiocres de ces nutriments ont longtemps rendu il usoire leur
utilisation exclusive et prolongée par voie orale pendant plusieurs semaines.
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Cours n°24
Dans une étude ouverte non contrôlée, Beat ie et al. ont cependant rapporté chez des enfants britanniques ayant une MC active du grêle l’efficacité d’une nutrition orale polymérique exclusive pendant 8 semaines, en utilisant un soluté à base de caséine (Modulen IBD ), avec un taux de rémission comparable à celui classiquement observé après corticothérapie orale (Beattie, 1994). La présence en quantité importante de TGF-β2, cytokine anti-inflammatoire naturellement présente dans ce soluté, pourrait jouer un rôle déterminant dans l’efficacité thérapeutique. Ce produit polymérique a un goût et une texture assez bien tolérés par les enfants. Il a été montré récemment que l’utilisation de cette formule polymérique réduisait le recours à une sonde naso-gastrique par rapport à une formule élémentaire (Rodrigues, 2007). Les techniques d'assistance nutritive par voie entérale ou parentérale sont de toute évidence plus contraignantes. Les principales indications de la nutrition artificielle sont les suivantes, en privilégiant chaque fois que cela est possible la nutrition entérale : dénutrition sévère, souvent secondaire à une atteinte étendue du grêle ; forme cortico-dépendante ou cortico-résistante ; fistule digestive; préparation à une chirurgie d'exérèse ; impossibilité pour le patient de s'alimenter par voie orale ; anorexie tenace (Bocquet, 2005). Une méta-analyse a conclu en 1995 à une ef icacité de la corticothérapie supérieure à celle de la nutrition entérale à débit continu (NEDC) exclusive pour le traitement des poussées aiguës de la MC, quel que soit l’âge des patients. Cependant, la méthodologie utilisée pour cette étude a été critiquée en raison de l’exclusion de plusieurs travaux concernant spécifiquement l’enfant et l’adolescent (Grif iths, 1995). Deux méta-analyses des travaux purement pédiatriques comparant corticothérapie et NEDC exclusive ont en fait montré une efficacité identique des 2 types de traitement avec un taux de rémission de 85% (Heuschkel, 2000 ; Dziechciarz, 2007). Par contre, la NEDC entérale partielle a une efficacité inférieure à celle de la NEDC exclusive pour le traitement des poussées (Johnson, 2006). La fréquence des récidives à distance de la poussée initiale n'est pas dif érente selon que la rémission a été obtenue après NEDC ou corticothérapie. Il n'y a pas aucun argument décisif en faveur de la supériorité des solutés polymériques par rapport aux solutés élémentaires ou semi-élémentaires. En pratique, la plupart des équipes utilisent en 1ère intention un soluté polymérique. Au delà du type de NEDC, l’intérêt de certains nutriments spécifiques (glutamine, nucléotides, arginine, acides gras polyinsaturés à longue chaîne, acides gras à courte chaîne,…) reste à l’heure actuelle spéculatif. Une revue Cochrane récente a montré que les données disponibles ne permettaient pas de conclure à l’efficacité d’une supplémentation en acides gras essentiels de type omega 3 pour le maintien de la rémission au cours de la MC (Turner, 2009). Auteur : Dominique TURCQ
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La NEDC présente également un grand intérêt pour le traitement du retard staturo-pondéral et/ou
pubertaire, et dans les formes cortico-dépendantes. Cependant, l’utilisation croissante des traitements
immuno-modulateurs (azathioprine, méthotrexate, infliximab) réduit progressivement les indications de
la NEDC de longue durée pour cortico-dépendance chez les enfants et les adolescents qui ne
présentent pas de malnutrition ou de retard staturo-pondéral et/ou pubertaire (Heuschkel, 2005).
Lorsqu’elle est décidée dans le cadre d’un retard staturo-pondéral et/ou pubertaire, la NEDC doit être
débutée le plus précocement possible, au mieux avant que le développement pubertaire n'atteigne le
stade II de Tanner (le stade I correspond au statut pré-pubertaire et le stade V au développement
pubertaire de type adulte ; le stade II correspond au milieu de la puberté). La NEDC peut être
poursuivie à domicile et uniquement pendant la nuit (1000-1500 kcal/nuit). Il faut souligner la nécessité
fréquente d'un soutien psychologique pour améliorer la tolérance au long cours de la NEDC. En cas de
NEDC d’une durée prolongée, au moins supérieure à 3 mois, il est possible de proposer la mise en
place d'une sonde de gastrostomie, sous réserve de l'absence de localisation gastrique de la maladie.
Pour être peu nombreuses, les indications préférentielles de la nutrition parentérale n'en sont pas
moins indiscutables : forme suraiguë, résistante au traitement médicamenteux et/ou à la nutrition
entérale, et inaccessible à la chirurgie d'exérèse en raison de l’étendue des lésions ; sténose intestinale
serrée avec syndrome subocclusif ; fistule du grêle ; prise en charge nutritionnelle péri-opératoire en
cas de dénutrition sévère ; résection intestinale étendue.
Il faut signaler qu’une étude en ouvert réalisée chez 10 adolescents atteints de MC avec un retard de
croissance suggère l’ef icacité de l’hormone de croissance par voie sous-cutanée sur la dynamique de
croissance et la minéralisation osseuse (Heyman, 2008). Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour
proposer en pratique clinique ce type de traitement très contraignant (1 injection sous-cutanée
quotidienne 6 jours sur 7).
IV. 6. Chirurgie
Il n’existe pas de consensus sur le traitement chirurgical de la MC pédiatrique, et certaines équipes
recourent plus volontiers au traitement chirurgical que d’autres. L’indication chirurgicale la plus
fréquente est la sténose iléale distale isolée. Dans une série récente, les facteurs de risque de la
première intervention chirurgicale étaient les suivants : sexe féminin, retard de croissance au
diagnostic, abcès, fistule et sténose. Par contre, un traitement par aminosalicylates ou infliximab était
associé à un moindre risque d’intervention (Gupta, 2006).
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L’incidence cumulée d’intervention chirurgicale était respectivement de 17% et 28% cinq et 10 ans
après le diagnostic de MC (Gupta, 2006). La fréquence des complications postopératoires n’est pas
plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte.
Aucun facteur prédictif des récidives post-chirurgicales n’a été identifié chez l’enfant. En revanche, les
résultats concernant l’épargne des corticoïdes, l’acquisition de la puberté et surtout la reprise de la
croissance staturo-pondérale, sont tout à fait bénéfiques. Un rattrapage post-opératoire de la vitesse de
croissance est possible si la chirurgie intervient à un stade pubertaire précoce. L’azathioprine est
d’autant plus utilisée en post-opératoire que la MC a été évolutive avant l’intervention (Kader, 1997).
V. RECTO-COLITE HEMORRAGIQUE (RCH)
La sémiologie clinique et endoscopique de la RCH est identique à celles de l’adulte, tout comme le
bilan biologique (recherche de pANCA et d’ASCA) (Tableau I). Les conséquences nutritionnelles de la
RCH sont le plus souvent au second plan (Lacail e, 2000). Si un amaigrissement est présent chez 2/3
des enfants au moment du diagnostic, un retard statural n'est noté que dans 5 % des cas environ ; il
est habituellement dû à des apports caloriques insuffisants.
Les anomalies nutritionnelles sont d'autant plus marquées que la maladie est plus évolutive et atteint la
totalité du cadre colique, ce qui est plus fréquent chez l'enfant et l'adolescent que chez l'adulte. El es
sont représentées par : 1) une anémie hypochrome, microcytaire due aux pertes sanguines d'origine
digestive et, à un degré moindre, au syndrome inflammatoire ; 2) une hypoalbuminémie et une
créatorrhée massive - pouvant atteindre 3 à 4 grammes par jour, qui sont dues respectivement à
l'entéropathie exsudative et à la perte des cellules épithéliales du côlon dans la lumière intestinale ; 3)
des troubles hydro-électrolytiques (hyponatrémie, hypokaliémie), provoqués par les pertes fécales
d'eau et d'électrolytes.
Les principes du traitement sont similaires à ceux de l’adulte, avec une tendance récente à utiliser plus
volontiers l’azathioprine en cas de forme localisée cortico-dépendante ou avec des rechutes
fréquentes. Il faut néanmoins garder à l’esprit le risque non exceptionnel de cancérisation colique après
10 ans d’évolution, qui, à l’évidence, touche plus volontiers les sujets dont la RCH a débuté tôt dans
l’enfance. L’utilisation croissante des immunomodulateurs au cours de la RCH ne doit pas faire oublier
les effets indésirables parfois graves liés à ces traitements, d’autant que la RCH est une maladie
chirurgicalement curable. Une série nord-américaine a confirmé l’efficacité de la corticothérapie en cas
de poussée de RCH chez l’enfant, mais une cortico-dépendance était observée dans 45% des cas à 1
an, en dépit de l’utilisation des immunomodulateurs dans 61% des cas (Hyams, 2006).
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L’efficacité de l’infliximab dans les formes sévères ou cortico-dépendantes de RCH a été démontrée chez l’enfant, ainsi que celle de la ciclosporine dans les cas de colite sévère (Treem, 1991 ; Mamula, 2002 ; Fanjiang, 2007 ; Turner, 2011). Tout comme chez l’adulte, l’utilisation concomitante de l’azathioprine permet de maintenir au long cours la rémission induite initialement par la cyclosporine, dont la fréquence et la gravité des effets indésirables ne permettent pas l’utilisation prolongée au-delà des quelques mois de délai nécessaires pour observer l’efficacité de l’azathioprine (Ramakrishna, 1996 ; Howarth, 2007). En cas de colite extensive menaçant le pronostic vital, d’échec de l’infliximab ou de la cyclosporine, d’inefficacité de l’azathioprine en relais de la cyclosporine, d’apparition de lésions précancéreuses, il est alors indispensable de réaliser une colectomie totale, avec conservation du rectum et anastomose iléo-rectale en un ou deux temps. L’anastomose iléo-anale est peu utilisée en Europe par les équipes de chirurgie pédiatrique (Lacail e, 2000), d’autant qu’elle est associée chez la femme à une multiplication par 3 du risque d’infertilité (Waljee, 2006). Dans une série de 113 enfants et adolescents (44 garçons et 69 fil es), colligés de 1988 à 2002 dans le registre EPIMAD, d’un âge médian de 14 ans au diagnostic et suivis pendant une durée médiane de 76 mois, le risque cumulé de colectomie était respectivement de 9%, 15% et 20% un, trois et cinq ans après le diagnostic et ne dépendait pas de l’extension initiale de la maladie (Gower-Rousseau, 2009). La RCH se caractérisait par une extension topographique importante de la maladie dès le diagnostic puis au cours de son évolution. VI. DEVENIR A L’AGE ADULTE DES MICI
Les études concernant la tail e définitive à l’âge adulte des patients at eints de MC dans l’enfance et
l’adolescence donnent des résultats divers selon le mode de recrutement (population générale ou
centre de référence), et surtout selon la définition de la tail e de référence. Les études les plus récentes
ne montrent aucune dif érence entre la tail e adulte des patients à l’âge adulte et leur tail e cible
calculée à partir de la tail e des 2 parents (Alemzadeh, 2002). Le déficit statural n’est pas fonction de
l’âge au diagnostic ni de la localisation de la MC. Il dépend par contre de la durée de la corticothérapie,
surtout si elle est prescrite pendant la puberté. On observe également chez environ 10% des adultes
dont la maladie s’est déclarée dans l’enfance un poids et un indice de corpulence inférieurs à ceux de
la population générale (Langholz, 1997). Le développement sexuel est par contre tout à fait
comparable ; seules les fil es qui ont débuté la MC avant la puberté présentent parfois un retard de
menstruation important (Hildebrand, 1994).
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Le risque de cancer du côlon au cours des pancolites de MC dépend, comme dans la RCH, de
l’ancienneté et de l’étendue de la maladie ; l’âge de début précoce (inférieur à 15 ans) est, comme dans
la RCH, un facteur de risque indépendant (Ahnen, 2000).
L’évolution à très long terme des MICI à début pédiatrique est relativement peu documentée. Un travail
portant sur 23 cas de MC ayant débuté avant l’âge de 15 ans retrouve un taux de rémission de 50%
après 2 ans d’évolution, contre 60 à 70% pour les 80 cas de RCH (Langholz, 1997). Dans une série
écossaise, 50% des adultes dont la MC s’était développée dans l’enfance considéraient que celle-ci
avait constitué un handicap pour leur éducation et leur carrière professionnelle. Pourtant, leur niveau
d’éducation et leur taux de succès aux examens étaient identiques à ceux de la population générale
(Barton, 1990). La mortalité au cours des MICI de l’enfant est, comme chez l’adulte, très faible.
Les données sur le devenir à l’âge adulte des MICI développées dans l’enfance sont globalement
rassurantes (Seddik, 2001). La prise en charge doit toutefois s’attacher à prévenir certains risques liés à
la maladie ou à son traitement, en particulier le retentissement des corticoïdes sur la croissance et le
risque de cancer qui justifie une surveil ance renforcée après 10 ans d’évolution.
VII. CONCLUSION
La principale complication de la MC chez l’enfant et l’adolescent est représentée par le retard de
croissance staturo-pondérale et de développement pubertaire qui peut obérer de façon prolongée la vie
personnelle, familiale, sociale et professionnelle du patient lorsqu’il atteint l’âge adulte. Il est d’ail eurs
indispensable d’améliorer nos connaissances sur les conséquences des MICI sur la qualité de vie des
enfants et des adolescents (Perrin, 2008). La prise en charge de la MC et de la RCH chez l’enfant et
l’adolescent relève dans ses aspects thérapeutiques de la collaboration entre les équipes de gastro-
entérologie pédiatrique spécialisées et les gastro-entérologues libéraux et hospitaliers.
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Auteur : Dominique TURCQ
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Auteur : Dominique TURCQ
Cours n°24
Table I. Symptômes (%) au diagnostic de maladie de Crohn (MC) et de recto-colite hémorragique
(RCH) chez les enfants et les adolescents (< 17 ans) et les adultes.

Symptômes (%)
≤10 ans
11-16 ans
P
≤10 ans
11-16 ans
p
(n=5125)
(n=3347)
Douleurs abdominales
Diarrhée
Perte de poids
Rectorragies
Symptômes extra-intestinaux
Masse abdominale
Lésions périnéales
-Fissure
-Fistule
Auteur : Dominique TURCQ

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