Compte-rendu RéPI Act Up-Lyon du 29 mai 2002 « Mon traitement marche mais je ne suis pas content » —Présentation de Younès Mezziane, coordinateur de la commission traitements et recherches d'Act Up-Paris— Avant de vous présenter le principe des Répi, puis de laisser Jean-Patrick présenter la Répi de ce soir, j'ai une annonce à faire :
Il y a un questionnaire qui a été donné à certains d'entre vous et qui est disponible à l'entrée (annexé ci-après NdT), c'est une initiative inter-associatives que le TRT5 a promue sur les effets secondaires. Ce questionnaire a été publié dans quasiment toutes les revues inter-associatives, c'est-à-dire ‘Remaides’, ‘=Protocoles’, ‘Info-traitement’, et ça été mis sur la liste asso- TRT5. Ce questionnaire a été lancé il y a trois mois et nous n'avons pas reçu suffisamment de réponses. Nous avons à ce jour 700 réponses et ce type de questionnaire n'a d'intérêt de si nous avons suffisamment de réponse pour pouvoir le traiter sur le plan statistique. Donc je demande aux malades sous traitement qui sont dans la salle de remplir ce questionnaire anonyme, et de le remettre à l'entrée ou à moi-même, et si vous avez des amis ou que vous êtes dans des structures associatives et que vous pouvez le donner à des amis sous traitement, faites-le, et conseillez-leur de nous le faire parvenir le plus rapidement possible, parce que le traitement des informations va commencer à partir de la mi-juin. Pour ne rien vous cacher, c'est un questionnaire qui traite essentiellement des problèmes neuropsychiques du Sustiva : nous essayons de voir s'il y a un lien ou pas.
Act Up-Paris, a initié les Répi, réunion publique d'information, depuis 5 ans à peu près, depuis la mise en place des trithérapies. Nous en avons organisé trente-neuf à ce jour. À Lyon, c'est la première qu’Act Up-Lyon organise, et j'espère que ce n'est pas la dernière. Ce sont des réunions qui sont faites par des malades et pour des malades, pour qu'ils puissent poser des questions dans un cadre autre que celui auquel nous somme habitués c'est-à-dire le cabinet médical, en binôme avec leur médecin, mais dans un cadre où le médecin n'est pas en "posture d'autorité" qui est la sienne dans son cabinet, et où le rapport de force s’équilibre un petit peu, dans un cadre où l'on peut opposer toutes les questions que l'on veut. C'est un exercice auxquels les médecins ne se refusent pas parce que ça leur permet aussi de répondre à des questions hors du cadre habituel qui est le cabinet médical et finalement tout le monde y trouve son compte. Le principe de ces Répi et que ce soit interactif avec la salle, c'est à dire que les intervenants vont exposer vraiment très brièvement le sujet qui est aujourd'hui "mon traitement marche, mais je ne suis pas content", que Jean-Patrick va vous présenter tout à l'heure et le principe c’est que vous, vous posiez des questions afin de pou- voir faire chose de cette réunion ça c'est le premier point. Le deuxième point, avant de laisser la parole Jean-Patrick, c'est le dossier. Vous avez un dossier assez complet sur les effets secondaires : neuropathies périphériques, lipodystrophies, lipoathro- phies etc. Il y a trois comptes-rendus de réunions que nous avons organisées à Act Up-Paris sur les deux dernières années, une qui concerne les réparations qui est en particulier le sujet de ce soir, une sur les vacances thérapeutiques, les interruptions de traitement ou le traitement intermittent, tout dépend du nom qu'on leur donne. Vous avez un glossaire, fait par Act Up-Paris, et qui reprend toute la terminologie du sida et qui l’explique en des termes accessibles, ce qui vous permettra si vous ne comprenez pas quelque chose de consulter cette documentation afin d’obtenir des explications toutes simples. Et le dernier élément de ce dossier, c'est ‘=Protocoles’, la revue d'Act Up-Paris, pour Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
ceux qui ne la connaissent pas, qui reprend tous les essais thérapeutiques qui sont promus dans le cadre du sida, et qui comporte en général un ou deux dossiers traitant de sujets particuliers. Dernier point. Cette réunion est enregistrée et un compte-rendu va être fait dans deux ou trois semaines. Si vous voulez le recevoir, une feuille de présence va circuler sur laquelle, les intéressés indiqueront leurs coordonnées, adresses, e-mail. Je passe la parole à Jean-Patrick qui va vous présenter et le sujet de ce soir et les invités. —Jean-Patrick, Secrétaire Général Act Up-Lyon— On n'a pas l'habitude de se rencontrer dans une salle fermée. Certains connaissent Act Up, d'autres non. Certains ont peut-être des préjugés sur Act Up, peu importe, on n'est pas là pour en débattre ce soir. On est là pour parler des gens qui sont malades, qui ont des problèmes, et voir comment on peut les résoudre. D'abord, je vais demander aux gens ; s'ils souhaitent poser les questions, il serait bon qu'ils se rapprochent un petit peu car les fils du micro ne sont pas très long et si on veut pouvoir leur donner la parole, il faut qu'on puisse vous entendre. Donc si vous voulez poser des questions, levez vous et vous serez obligés de vous déplacer un petit peu. D'autre part, si vous avez des portables, essayez de le mettre en silence, ce qui évitera de perturber la réunion. Voilà pour les préconisations. On va surtout parler médical ce soir. Je vous rappelle simplement que Act Up-Lyon a été créée il y a une dizaine d'années maintenant, et a été remise en fonction depuis deux ans. On a réalisé diffé-rentes actions, notamment beaucoup de préventions surtout auprès des jeunes dans divers endroits ; des night-clubs, au salon du chanvre par exemple où aucune association de lutte contre le sida n'était venue jusqu'à présent et aucune prévention n'avait été faite. On essaie de toucher des publics complètement différents de ceux qui existaient jusqu'à présent, et le discours que l'on voudrait faire passer auprès des institutions c'est que le sida, il n'est pas que chez les pédés : il est beaucoup chez les pédés, il est aussi chez les hétéros, il est chez les jeunes, chez les gens qui sont migrants, il est dans toutes les catégories de la population. Donc il ne faut pas oublier certaines catégories et pas toujours cibler uniquement les mêmes personnes dans les campa-gnes de prévention. Vous nous avez peut-être vus à la marche du 1 décembre, vous nous avez peut-être vus au cours de la Lesbian and Gay Pride. Aujourd'hui on est là parce que l'on pensait qu’à Lyon il était important que les résidents d'ici —que l'on qualifie d'un petit peu froids— aient les informations nécessaires pour améliorer leur santé. On a invité ce soir des gens qui sont très importants sur le plan local pour la santé : -
À ma droite le docteur Pascal qui fait de la chirurgie reconstructrice plastique. Il vous expliquera en quoi cela consiste. Il nous expliquera surtout ce qu'il est possible de faire pour quelqu'un qui séropo, qui a un traitement lourd, contraignant, avec des effets secondaires corpo- rels très importants.
À ses côtés, le docteur Laurent Cotte, qui exerce sa profession à l'hôtel Dieu principalement. Il est médecin spécialiste du VIH/sida. Il vous expliquera un peu son métier et ce qu'il fait. Il s'occupe également des gens qui sont atteints par les hépatites ; de plus en plus de personnes sont atteintes à la fois par le VIH sida et par une hépatite, qu'elle soit B, C ou indéterminée.
Ensuite, le docteur Bertrand Lebouché , qui travaille avec lui, et qui actuellement s'occupe surtout des nouveaux cas de contamination. Donc si vous avez des questions particulières, si vous êtes concernés, si vous connaissez quelqu'un dans ce cas-là, il pourra peut-être vous aider ou vous orienter.
Juste à côté de lui, le docteur Jourdain est un médecin omnipraticien ; omnipraticien, ce n'est pas au sens péjoratif, ça veut dire qu'il « touche-à-tout », c’est à dire qu'il s'occupe des gens Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
quelle que soit leur situation. Il très compétents pour les personnes qui sont touchés par le VIH. Il est compétent aussi pour les toxicos, il peut les orienter, et les soigne quotidiennement.
À ses côtés, le docteur Chiarello, idem, médecin omnipraticien. Il s'occupe des gens qui sont en situation de précarité, de gens qui sont atteints par les maladies que l'on vient de citer.
Vient ensuite le docteur Secchi. Comme le docteur Pascal, il intervient pour essayer de soigner les gens qui ont des effets secondaires corporels importants mais par d'autres techniques de comblement et de restructuration.
Et enfin, la dernière personne est Françoise ; elle travaille à l'hôtel Dieu, elle y est infirmière, notamment en hôpital de jour. Elle soigne avec beaucoup d'abnégation tous les gens qui se présentent là-bas, elle les accueille avec considérablement de gentillesse et les soigne avec beaucoup de courage. Elle est donc au courant de tout ce qui se passe, vous pouvez vous confier à elle. N'hésitez donc pas à lui poser des questions aussi
Je vais débuter en m'adressant au docteur Cotte, et on va tout de suite commencer sous forme de questions : - depuis quand s'est-on aperçu des effets secondaires ? - y a-t-il des médicaments particuliers, des traitements particuliers, est-ce qu'on peut les éviter ces effets ? Ensuite on verra comment éviter ces problèmes, ou tout du moins comment reconstruire. —Dr Cotte— Bonsoir, je ne vais peut-être pas répondre en deux mots à toutes ces questions, et je vais essayer de ne pas monopoliser la parole. La première question qu'il faut se poser, d'une manière générale en médecine, mais qui est particu- lièrement nette dans le traitement de la séropositivité du sida c'est « pourquoi est-ce que l'on traite ? ». C'est une question fondamentale car c'est la réponse ou plutôt les réponses à cette ques- tion qui ont amené les médecins spécialistes du sida et de la prise en charge de patients séropositifs à avoir des attitudes thérapeutiques qui, avec le recul, peuvent apparaître fluctuantes et qui en fait ne correspondaient et correspondent toujours qu'à la remise en cause permanente avec l'accumulation des connaissances, de ce que l'on va appeler le rapport de coût / bénéfice, qui est la base de la définition de l'utilisation de n’importe quel médicament (Nota : par ‘bénéfice’, on entend les améliorations apportées par le médicament, à l’opposé le ‘coût’ représente les contraintes qu’il va impliquer, les effets secondaires) Donc pourquoi est-ce que l'on traite le sida ? Simplement car lorsque les gens sont au stade du sida, ils meurent. Le sida est une indication de traitement, une indication impérative, et une indication aujourd'hui de traitement à vie. Quand on développe une forme de la maladie, quand on a fait des complications, on doit être traité, c'est la seule façon de reconstituer un statut immunitaire correct, et c’est la seule façon effectivement d'arriver à mener et à garder une vie normale, si on y arrive. Vous connaissez tous le bénéfice extraordinaire des trithérapies dans ce domaine, mais il faut bien le rappeler. Par extension, on a toutes les données voulues pour dire que lorsqu'on a un déficit immunitaire moins sévère, que l'on a commencé à présenter éventuellement des complications moins sévères que celles qui correspondent au sida, on a un bénéfice clinique évident à être traité ; c’est ce que l'on a appelé il y a de très longues années ‘arc-’, ‘pré-sida’, ou autre… Cela correspond à tous les gens ont des déficits immunitaires moins sévères. Si on veut des chiffres, on va parler de taux de lymphocytes CD4, qui correspond un déficit immunitaire sévère, entre 200 et jusqu'à 300-350. Et puis au-dessus, il y a la grande inconnue des patients que l'on dit asymptomatiques, qui n'ont pas de signe particulier de l'infection, est qui ont une immunité qui peut être soit normale au-dessus de 500 Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
lymphocytes CD4, soit peu altérée, au-dessous de 350. Aujourd'hui, c'est là-dessus, au cours des dernières années, que l'on a le plus évolué, puisqu’il y a quelques années encore on proposait de des traitements à ces personnes, sur des arguments qui étaient très solides mais qui étaient théoriques. Aujourd'hui, on s'aperçoit que par rapport aux inconvénients de ces traitements, dont le premier de ces inconvénients pour ces personnes est de prendre le traitement, on peut maintenant plus souvent envisager de ne pas donner de traitement. Je crois donc que c’est très important de repositionner : pourquoi est-ce que l'on traite ? C’est parceque l'on attend un bénéfice. Ensuite, il faut bien différencier le notions de toxicité et de tolérance. La tolérance : mon médicament me donne des nausées le matin, mon médicament me donne un petit peu de diarrhée, mon médicament me donne des effets secondaires souvent suggestifs, difficiles à apprécier, à quantifier. La toxicité : chaque médicament un potentiel de toxicité. Si vous prenez un comprimé d'aspirine, vous pouvez vous retrouver dans mon service pour une hémorragie digestive ou un ulcère perforé. Chaque médicament a une toxicité, elle est plus ou moins importante. Les antiviraux, comme tous les médicaments, n'y échappent pas. La grande caractéristique des antiviraux, c'est qu'ils sont faits pour être donnés tous les jours à des posologies correspondant à ce qui est nécessaire pour leur activité. Donc dans les définitions du cahier des charges qui sert à l’élaboration de ces médica- ments, le critère d'une faible toxicité au long cours a toujours été mis en avant, sans que ce critère ait pu toujours être respecté. C'est l'histoire de la découverte de molécules qui nous l'apprend mais cela a toujours été une condi- tion définie au préalable : ces antiviraux, on les donne sur une longue échéance, donc il faut qu'ils ne soient pas trop toxiques au long cours. Le problème c'est que ne les connaissant pas, il y a des toxicité qui sont apparues. Dernier point que je voulais mettre en préambule. On a défini la tolérance, on a défini la toxicité. Ensuite, lorsqu'on s'intéresse aux antiviraux, il y a des choses très importantes à comprendre : chaque molécule peut avoir sa propre toxicité potentielle. La DDI a une potentialité de toxicité au niveau du pancréas, des nerfs périphériques. Cette toxicité localisée, va être partagée avec d'autres molécules, la D4T, la DCC. Inversement, d'autres molécules comme l'AZT, le plus vieil anti- rétroviral, entraînent environ 5% des gens en traitement vers le développement d'une anémie, une diminution des globules rouges ; cette toxicité est connue depuis plus de 15 ans. Pour chaque molécule, on va avoir de telles caractéristiques. Après, on va rencontrer des toxicités ou des problèmes de tolérance par familles de molécules. Il y a beaucoup d’anti-prothéases, et ce n'est pas un scoop, qui donnent des troubles digestifs. Ce que l'on appelle et non-nucléosidiques, les molécules comme l'Efavirenz ou la Névirapine, donnent très volontiers des éruptions, surtout la Névirapine ; c'est une potentialité de toxicité de famille. Et puis enfin, il y a un domaine beaucoup plus mystérieux. C'est un domaine que l'on a découvert il y a peu de temps, avec l'usage, et dont on défriche les mécanismes mais que l’on ne comprend pas encore entièrement : c'est le domaine que tout ce que l’on appelle la toxicité métabolique . C’est un grand sac dans lequel on va faire rentrer différents de choses qui n'ont sans doute rien à voir : -
Dans cette toxicité métabolique, on va avoir une toxicité que nous, médecins, on va rattacher à une atteinte d'organites, c'est-à-dire de petits fragments cellulaires que l'on appelle les mytho-condries : on appellera cela la toxicité mythocondriale, et qui semble être l'apanage de certaines molécules de la famille de l’AZT.
À côté de cela, on va rattacher à cette toxicité métabolique les perturbations métaboliques très fréquentes que l'on va observer au cours des traitements, qui vont toucher le cholestérol ou les triglycérides. Elles ont été très visibles au début de l'utilisation des trithérapies, qui ont un petit peu focalisé l'attention et dont on peut penser maintenant qu’en fait ce type d’atteinte est non pas une cause mais une conséquence de la troisième toxicité
Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
Cette troisième toxicité, on peut la rentrer dans le terme toxicité métabolique. Elle correspond à ce que l'on peut appeler les lipodystrophies
Les lipodystrophies correspondent à des anomalies de la répartition des graisses -
en excès au niveau du ventre, au niveau des seins chez la femme, réalisant à l'extrême ce que l'on appellera une obésité tronculaire
ou en défaut, avec une raréfaction de la graisse sous-cutanée au niveau du visage des membres
Éventuellement ces deux types de manifestations peuvent être simultanés. Donc aujourd'hui, c'est certainement la toxicité au long cours avec lipodystrophie qui nous préoc-cupe le plus, à deux titres : -
d'une part parce qu'elle peut être extrêmement pénalisante pour certaines personnes, surtout si elle se porte au niveau du visage et peut être réellement handicapante, socialement handica-pante,
et puis on s'y intéresse au plan médical à un deuxième titre, c'est que cette toxicité métabolique lipodystrophique est sans doute le point de départ de perturbations biologiques, (le cholestérol les triglycérides), elle-même étant susceptible d'avoir des répercussions à plus long terme notamment au plan cardio-vasculaire.
Maintenant qu'on a démontré qu'avec les traitements antiviraux on était capable d'avoir une action à très long terme, maintenant qu'on a transformé l'évolution de la séropositivité en véritablement une maladie chronique, qui doit se gérer au long cours —de même qu’on gère au long cours le traite- ment d'un diabète ou d'une hypertension artérielle—. Maintenant qu'on a vraiment fait ce pas de géant, c'est sur le long terme qu'on se projette, et c'est donc sur le long cours qu'on va porter attention à des atteintes qui sont susceptibles de d'avoir des répercussions à longue échéance. Ai-je rempli le cahier des charges par rapport aux questions ? —Jean-Patrick— Oui, je crois que vous avez bien présenté la situation actuelle. Je ne suis pas toujours d'accord avec vous, surtout sur le fait qu'on ait trouvé les "médicaments miracle", puisqu'il a quand même beaucoup de gens qui sont en impasse thérapeutique, aujourd'hui. Mais cela fera peut-être l'objet d’une autre réunion, on est aujourd'hui ici pour les conséquences des médicaments. Je vais demander au docteur Lebouché s’il a quelque chose à ajouter et puis on passera la parole aux docteurs Jourdain et Chiarello, assez rapidement. Ces trois professionnels ou l'habitude rencontrer des gens qui souffrent des conséquences des médicaments. —Dr Bertrand Lebouché— Ce que je voudrais juste ajouter, c’est insister sur ce que vient dire le docteur Cotte, en disant que ce sont quand même des médicaments "miracle" dans le sens où c'est la première maladie pour laquelle en 20 ans on a autant de médicaments, qui sont efficaces et une bonne preuve qu'ils sont efficaces c'est qu'ils ont aussi des effets secondaires. C'est aussi en grande partie grâce à ces médicaments qu'il y a certains nombre de personnes qui sont toujours en vie maintenant, même après 20 ans, et cela il ne faut tout de même pas l'oublier ; cela n'empêche qu'il y aussi des patients qui sont, comme vous l'avez dit, en impasse thérapeutique aujourd'hui. Et là cela devient vraiment difficile parce que -
on leur a dit à un moment qu'il n'y avait pas vraiment d'espoir, alors ils attendaient plus ou moins leur mort,
puis ensuite on leur a dit qu’il y a des traitements, donc il faut réapprendre à vivre, à retrouver un certain nombre de raisons de vivre,
Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
et on leur dit maintenant on n'a plus grand-chose à vous proposer, il faut attendre les nouveaux traitements, etc.
C'est donc très difficile pour ceux qui vivent cette situation. La deuxième chose que je voudrais rajouter, c’est qu'il y a deux mondes vraiment différents : - le monde des personnes qui sont séropositives depuis 18-20 ans et qui ont des traitements, et le monde de ceux et celles qui viennent d'être contaminés ou dont on vient de découvrir leur séropositivité.
Ce sont deux mondes très différents : les premiers ont commencé très vite un traitement la plupart du temps, et maintenant pour ceux qui commencent, on va leur dire qu’on ne commence pas traite- ment tout de suite quand on voit les effets secondaires, on a le temps, on a le temps. Cela pour vous dire qu'on est dans deux mondes, de contexte de vie qui sont très différents. —Dr Jean-Jacques Jourdain— Pour commencer, je suis content qu’on ait parlé des patients qui étaient en échappement virologique et pour lesquels les trompettes de la victoire ne sont pas aussi évidentes. C'est vrai que, en voyant le thème de la soirée, « mon traitement marche mais je ne suis pas content », j'avais aussi envie de dire, en tant que médecin « votre traitement marche mais je ne suis pas satisfait », et une des raisons mon insatisfaction ce sont en effet les patients qui sont actuellement en grande difficulté. Là, je ne vais que répéter ce que tu viens de dire. En tant que généraliste, je pense que l'on a deux actions en règle générale. C’est premièrement ce qui est inhérent à la pathologie VIH. C'est vrai que suite aux consultations hospitalières, très souvent je crois que les patients ont envie de venir discuter ou rediscuter avec nous du traitement qui a été choisi, non pas que ce ne soit pas fait en milieu hospitalier mais c'est que lors d'une consultation on retient environ 20 à 25 % de ce que dit le médecin, et quand on modi- fie notamment ou que l'on entame un traitement, je pense qu'il est intéressant de venir faire le point auprès d’un médecin que l'on connaît. Déjà pour reparler un petit peu de la prise médicament, pour parler effectivement des effets secondaires que ce médicament peut générer. Je pense que c'est important car cela peut éviter l'évolution d’un effet secondaire. A ce propos par exemple, les patients qui se seraient un petit peu heurtés parce qu'on leur prescrit encore du Crixivan ou du Zerit en sachant tout ce qui a été écrit sur ces médicaments concernant les lipodystrophies, leur dire qu'ils peuvent le prendre et qu'il suffit de surveiller les symptômes qui peuvent apparaître. Cela évite que l'on fasse déjà l'impasse sur une molécule, et qu'on la grille bêtement en s'imaginant que l'on va automatiquement avoir cet effet secondaire. La deuxième chose, c'est effectivement tout le soutien que l'on peut apporter à ses patients, qui sont quelques fois en difficulté, sur le plan professionnel, affectif, etc. Et puisque Jean-Patrick a effecti- vement dit qu’on était un peu "touche-à-tout", ce qui est vrai aussi, j’aimerais dire que ce qui nous importe actuellement, c'est effectivement de dépister et d’être très très vigilants sur les effets secondaires au long terme, et en particulier en ce qui concerne la pathologiecardiovasculaire . Le docteur Cotte vous a parlé des hypercholestérolémies notamment, des possibilités de troubles du métabolisme glucidique et c'est vrai que les patients avancent en âge ; s'ils avancent en âge cela veut aussi dire que les traitements ont été efficaces. Très souvent les patients ont du recul par rapport aux thérapeutiques concernant les risques sur le plan cardiovasculaire. Il ne faut pas oublier que dans la population générale les deux risques majeurs sont l’âge, après 45 ans chez l'homme après 55ans chez la femme et le tabac. Alors je pense que c'est vrai qu'avant d'incriminer les thérapeutiques, il faut aussi reprendre en compte toute la pathologie, la surveillance classique que l'on peut faire en médecine générale. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
La dernière chose que je voudrais dire c'est que j’aimerais aussi que l'on parle de la pathologie chez les patientes séropositives. Jeudi dernier à Paris il y a eu une journée entière sur le thème « femme et VIH ». J’avoue que j'ai été assez surpris que l'on attende pratiquement 20 ans pour faire une tellejournée. Comme le disait aussi Jean-Patrick, c'est vrai qu'il n'y a pas que les gens qui ont des comportements à risques dans le milieu homosexuel, il n'y a pas que les toxicomanes qui sont atteints, on a aussi des patientes qui ont une pathologique très spécifique et là aussi il faut rester très vigilants sur un suivi gynécologique très très régulier de ces patientes. Je vais en rester là pour ne pas trop vous submerger, et si le docteur Chiarello a quelque chose à ajouter concernant son approche en médecine générale… —Dr Pierre Chiarello— Peut-être que je rebondirai plus sur vos questions, car je pense que tout a été à peu près abordé. Aujourd'hui c'est vrai on a tendance à traiter le plus tard possible à cause la toxicité métabolique dont a beaucoup parlé le docteur Cotte. On essaye aussi de traiter les primo-infections et là, le médecin généraliste de ville peut, peut-être, plus alerter et inciter à une consultation spécialisée rapidement, pour prendre en charge les primo infection et essayer de préserver ce qu'on appelle lesCD4 mémoires, ça c'est quelque chose d’important. D'autre part, pour combattre la toxicité métabolique on parle aujourd'hui des interruptions thérapeutiques : on a actuellement cela dans le cadre de protocoles. Des articles récents remettent quand même un petit peu en cause de ces interruptions métaboliques par la sélection, peut-être, de virus au sein de l’ADN ; il y a du travail faire de ce côté-là. —Dr Jourdain— Il y a aussi quelque chose d'important, le docteur Cotte en parlera sûrement mieux que moi, c'est qu'il ne faut pas oublier les patients co-infectés VIH VHC, VIH VHB, ou VHB VHC car on sait l'incidence que peut avoir la pathologie VIH sur l'évolution du VHC notamment en accélérant effectivement les processus de dégradation avec les risques de cirrhose et de cancers chez ces patients. Et c'est vrai que là c'est un petit peu difficile de leur faire à accepter quelques fois de surajouter à leurs thérapeutiques anti-rétrovirales pour le VIH, une thérapeutique lourde pour les hépatites. —Jean-Patrick— On a entendu la plupart des professionnels, mais pas encore les professionnels qu'on a invités spécialement dans le cadre des lipodystrophies et des modifications corporelles graisseuses du corps diverses et variées, pour ne pas dire avariés (c’est pas joli ce que je dis, mais je suis tout à fait concerné donc c'est de l'humour, noir, mais de l'humour quand même !). Est-ce que déjà dans un premier temps souhaitez-vous poser des questions à ceux qui se sont exprimés ? —Intervenant—(Younès) C'est vrai que quand on a intitulé cette réunion « mon traitement marche, mais je ne suis pas content » c'était un petit peu provocateur. Mais en même temps cela partait d'un principe : person- nellement malade sous traitement depuis 6 ans et étant donné l'importance et la gravité de ces effets secondaires —il est vrai que ces trithérapies que l'on ne remet pas en question en tant que telles car elles ont sauvé des vies, et que sans elles beaucoup d'entre nous ne seraient pas là aujourd'hui— mais par ailleurs, le fait qu'elles nous aient sauvé la vie n'est pas une raison pour ne pas s'interroger sur les effets secondaires et les prendre en compte. Le fait que cela ait prolongé nos vies, si c'est fait Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
juste dans une perspective, sans que par ailleurs on ait une qualité de vie avec cette prolongation, peut-être que cette prolongation n'est pas si… je ne veux pas m'exprimer mal, mais pour certains d'entre nous, n'est pas un gain si important que ça d'avoir eu 5, 6 ou 10 ans de plus, si on vit dans des conditions insupportables. Il est vrai que les lipodystrophies, les déplacements de graisse sont un des effets secondaires qui a le plus répercussion, car notre image et donc notre rapport à l'extérieur sont atteints, et qu'il est très difficile de le gérer. Il faut quand même rappeler que ce sont les associations de malades qui ont alerté et les médecins et les pouvoirs publics avant que ce ne soit prise en compte ; ça c'est quelque chose très important à rappeler. Non seulement pour les lipodystrophies et les altérations physiques, mais pour beaucoup des effets secondaires comme les effets neuropsychiques. Je me souviens très bien au moment de l'AMM du Sustiva, je parlais à mon médecin qui voulait me le prescrire, de ses effets neuropsychiques ; il me disait que ce n'était pas bien grave. Ma démarche n'est pas forcément agressive, c'est surtout pour dire qu'il n'y a pas suffisamment d'écoute de la part du corps soignant des effets secondaires engendrés par les traitements, et c'est d'autant plus difficile à vie pour le malade. Ça c'est le premier point. Alors quand vous avez parlé d'une demi-heure ou trois quarts d'heure que vous consacrez à vos malades, je ne vis pas ça à Paris, où cela dure cinq minutes : mon médecin regarde à ma charge virale, regarde mes CD4 ; ma charge virale est effectivement indétectable, et mes CD4 se sont reconstitué depuis 5 ans et tout est bon. Et il a fallu que j'aille chercher moi-même l'information ailleurs pour savoir que mon taux de cholestérol n'est pas normal, que j'ai une anémie sévère. De même, quand j'ai eu des neuropathies il a fallu que j’aille chercher l'information ailleurs et pas auprès de mon médecin, ce n’est pas lui qui me l'a donnée. En même temps, il est vrai que ces trithérapies sont efficaces, en même temps on ne peut pas s'en passer, et en même temps il y a des effets indésirables qui sont là et qui sont souvent insuffisam- ment pris en compte par nos médecins. Cela dit, c'est notre faute, nous n'avons qu'à changer de médecin lorsque notre médecin ne nous écoute pas, il y a cette possibilité. Je ne vais pas m'étendre là-dessus, peut-être qu'il aura des questions dans la salle tout à l’heure. Ma question, c'est plus par rapport à ce que vous avez dit docteur Cotte au début. C'est vrai qu'il y a des recommandations pour ne pas traiter tôt. Depuis un an et demi à peu près, on ne préconise de ne traiter qu'à partir de 350 T4, parce que les traitements sont toxiques et que nous sommes dans une perspective à long terme, c'est-à-dire à vie pour l'instant. Je voulais vous poser une question à propos des interruptions de traitement. Il est vrai que c'est l'une des rares voies pour diminuer la toxicité cumulée des traitements dans une stratégie du long terme, parce que vous l’aviez dit aussi à juste titre tout à l’heure, quel que soit le médicament que l'on prend, lorsque l'on en prend tous les jours, cela engendre des effets secondai- res. Et les interruptions de traitement dans ce cadre -là, est-ce que cela ne sera pas une bonne stratégie pour le long cours justement ? —Dr Laurent Cotte— Concernant la reconnaissance des effets indésirables, aujourd'hui en effet, les gens ne meurent plus et un grand nombre de toxicités sont si bien gérées qu'on ne les voit pratiquement plus ; par exem- ple la toxicité pancréatique de la DDI n'apparaît plus depuis des années, alors que c'est l'un des plus anciens médicaments, et l'un des plus prescrits. C’est parce qu'on sait bien maintenant adapter la posologie par rapport au poids, et que l'état nutritionnel des patients s'est notamment amélioré. Si aujourd'hui on se préoccupe du cholestérol, c'est que maintenant on est dans une perspective à long terme. En ce qui concerne les lipodystrophies, en 1998/99, lorsque mes patients me disaient : « Dr, je prends du ventre ! » , je répondais « vous aviez perdu 20 kg, je suis content que vous en ayez repris 5 ! » Lorsque l'on s'est aperçu que ces kilos n'étaient pas où il fallait, on a commencé à se poser des questions. Il a fallu attendre 1998 pour qu'une équipe australienne décrive ce syndrome lypodystrophique, puis encore aujourd'hui, je ne sais pas quel est le point de départ, de cette Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
histoire. Il est bien évident qu'il est nécessaire de passer plus de 5 mn avec les patients pour faire le point sur ces questions. C'est une question d'organisation et de temps. A la question sur les bénéfices des interruptions de traitement, sur ces problèmes toxiques, et si on ne comprend pas encore le mécanisme précis de ces toxicités, on a quelques idées concernant des associations de telles familles de molécules et tels types d'effets. La première des interventions, lorsqu'on est dans le cadre où on n'a plus envie de continuer le traitement, la première des interven- tions est est-ce qu’il est possible de faire des choix de molécules ? On a parlé de la D4T (Zerit), c'est vrai que c'est une molécule qui commence a être sérieusement "plombée" par une association relativement forte à ce produit, lequel a par ailleurs beaucoup de qualités sérologiques, et le syndrome lipoathrophique du visage. La plupart des médecins spécialistes qui se trouvent devant une situation où l'objectif prioritaire est d'être efficace et que le traitement peut être abordé avec une autre molécule, le choix sera fait, quitte même à changer un traitement qui marche, si on pense que c'est possible. Idem pour les antiprothéases, qui ont permis, lors de leur introduction en 1996 dans les trithérapies (un antiprothéase + 2 médicaments de la famille de l'AZT), de diviser la mortalité de cette maladie de 10 fois en quelques mois. Les antiprothéases sont beaucoup moins utilisées aujour- d'hui qu’en 98 ou 99, parce qu'on a à disposition d'autres molécules et que cette famille est associée, actuellement aux lipo-hypertrophies, à cette obésité tronculaire… Donc, la question qu’il faut se poser par rapport à ce type de toxicité, lorsqu'elle commence à apparaître, et si possible pas trop tard, est : est-ce que l'on peut intervenir ? Je viens maintenant aux interruptions thérapeutiques : est-ce que les interruptions thérapeutiques peuvent être une approche ? Aujourd'hui, elles se font dans trois cadres différents. Le premier cadre , ce sont les patients ont été traités dès le moment de leur primo-infection. Chez ces patients, on sait qu'il y a un bénéfice réel à traiter le plus tôt possible. À partir du moment où ils ont attrapé le virus, celui-ci est intégré en deux jours : la personne infectée va garder le virus mais on sait que si on la traite le plus tôt possible, au moment où est en train de se produire la destruction la plus importante du système immunitaire, puisqu’il s’agit de la destruction des réponses spécifiques du système immunitaire dirigées contre le virus, si on intervient très tôt, on va limiter les dégâts, et ce pour des années. Le problème est, si on commence à traiter quelqu'un qui a une primo-infection en 2002, combien de temps va-t-on le traiter ? 20 ans ? 25 ans ? 40 ans ? Aujourd'hui, on s'intéresse beaucoup aux personnes ont été traitées dans cette situation et pour lesquelles le traitement a été efficace, parce qu'on se pose des questions justement au plan immuni- taire. Chez ces personnes, on pense que le fait d'avoir été traité très tôt a limité les dégâts au plan immunitaire mais, dans le même temps, le fait que ce traitement ait été commencé très tôt limite peut-être l'efficacité dans le futur de l'immunité contre le virus. Il y a donc différents protocoles qui se sont déroulés ou qui sont en cours, s'intéressant à des stratégies d’interruption du traitement de façon séquentielle : en faisant remonter le virus de façon très brève on tente de relancer la machine immunitaire et d'améliorer encore le bénéfice immunitaire qu'on a gagné en traitant très tôt. Donc ceci est un cadre très spécifique. —Intervenant—(Younès) Je croyais que cette approche était abandonnée ? —Dr Laurent Cotte— Au contraire, cette approche est très actuelle, lorsqu'on a traité au moment de la primo-infection. Dans ce cadre bien précis, on va s’intéresser à d’autres approches complémentaires, comme la vaccinothérapie ; il y a des protocoles en cours. —Intervenant—(Younès) Qui n'ont pas donné grand-chose. Moi, quand je parlais des interruptions de traitement, ce n'était pas dans ce cadre-là. —Dr Laurent Cotte— Oui, mais c'était pour bien repositionner les différents cadres d'intervention. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
À l'autre extrémité de l'évolution, deuxième cadre , il y a les interruptions de traitement chez les gens qui ont tout eu, qui ontdes virus résistant à tout, et là le but de l'interruption… (enregis- trement coupé, ndt) Lorsqu'on dit qu'un virus est résistant à tel ou tel médicament, c'est en fait un mélange, une "soupe de virus", dont certains sont sensibles ou résistants à tel ou tel médicament, et le fait d'interrompre le traitement pendant une semaine ou quelques semaines, lorsqu'on n'a plus du tout le choix, permet de faire revenir en arrière un petit peu les choses et ensuite de frapper très fort. Ça, ce sont les deux extrémités. Et puis il y a le cas général, le troisième cadre , qui correspond aux personnes ayant été traitées parce qu'elles avaient une indication de traitement, moins de 350 CD4. Elles ont été traitées en phase chronique de l'infection, c'est-à-dire plus de six mois après avoir attrapé le virus, et là on s'est intéressé à des protocoles d'interruptions avec plusieurs objectifs : - le premier objectif, c'est ce dont vous venez de parler : « sommes-nous capables chez ces
personnes de renforcer l'immunité ? » Là, on sait que cela ne marche pas.
- le deuxième objectif c'est effectivement : « chez des personnes suffisamment stables, est-il
possible d'alléger la pression du traitement en ne proposant ce traitement que de façon séquen-tielle ? »
Pour l'instant, c'est une idée, il y a plusieurs protocoles qui ont été lancés, souvent avec un nombre très faible de patients, il y en a d'autres qui sont en cours, notamment dans le cadre de l’ANRS ; ces protocoles ont vraiment pour but d'épargne d'exposition au médicament. Il y a deux problèmes à cette approche : - Le premier c’est que l'effet le plus direct d'arrêt du traitement est une remontée du virus , ça ce n'est pas un scoop. Lorsque le virus est indétectable, il faut une semaine pour qu'il redevienne détectable. Mais cette remontée du virus présente un risque, bien évidemment, c'est que la multipli- cation du virus repartant, il y ait sélection de virus résistants. Ce risque peut être différent selon les molécules et les médicaments ; il est réel, c'est-à-dire que l'on a déjà des résultats qui montrent qu'en arrêtant le traitement, des résistances s'établissent sur quelques jours. —Intervenant—(Younès) Etait-ce pour des patients qui étaient sous "non-nuc" ? —Dr Laurent Cotte— C'est essentiellement avec les "non-nuc" ( non-nucléosiques – ndt), ces molécules ayant comme particularité d'avoir une longue durée de vie. En effet le jour où vous arrêtez un médicament comme le Sustiva, vous avez dans l'organisme du médicament pour une semaine ; si on arrête les trois médicaments d'une trithérapie le même jour, les nucléotides disparaissent dès le lendemain, le Sustiva va rester encore une semaine. Donc, alors que la charge virale va recommencer à remonter, ce médicament va se retrouver en situation de monothérapie ce qui est une position très dangereuse car c'est la meilleure pour favoriser une résistance. —Intervenant—(Younès) Mais avec les autres familles la question ne s'est elle pas posée ? —Dr Laurent Cotte— Si je parle de ceci c'est tout simplement pour dire que ces arrêts ne sont pas forcément anodins . - La deuxième chose, c'est au plan immunitaire : que se passe-t-il si on arrête un traitement ? Le virus remonte, cela veut dire que la charge virale se repositive, mais la signification de ceci c'est que la multiplication du virus reprend et qu’elle va donc s'accompagner de la destruction des CD4. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
Le deuxième danger de cette approche, c’est que la destruction des CD4 reparte, parfois très vite ; il faut parfois très peu de temps pour que d'une immunité qui s'était à peu près rétablie on retombe au niveau antérieur, ce qui peut être relativement dangereux chez des gens qui étaient très bas au départ. Cela peut aller tellement vite qu’il est possible en quelques semaines de perdre le bénéfice de plusieurs années. Ces deux dangers sont à la fois des dangers théoriques mais aussi réels : on a démontré qu'il était possible de sélectionner des résistances dans cette situation, et qu’il était possible, à l'arrêt d'un traitement, de voir l’immunité se dégrader tellement qu'on voyait apparaître des complications. Le bénéfice de prendre moins de médicament par rapport à ces dangers doit être évalué et c'est pour cela qu’aujourd'hui, que ce soit chez moi ou dans d'autres services spécialisés, vous n'aurez pas cette approche de façon systématique ; actuellement cette approche est très intéressante parce qu'effectivement on se demande si elle peut répondre à votre question, mais elle n'est certainement pas systématique et elle doit absolument être validée dans le cadre de protocoles. —Intervenant—(Younès) Très très rapidement. Je suis entièrement d'accord avec vous : ce n'est pas une démarche qui doit être systématique. C'est toujours au cas par cas, les différents cas ne se ressemblent pas ; parmi ceux que vous avez évoqués, pour quelqu'un qui a démarré avec un niveau de T4 très bas, cela peut effectivement être dangereux de faire une interruption de traitement. Cela dit, tous les essais qui ont été menés, et c'est vrai qu'ils ont été conduits sur petit nombre de patients, n'ont pas permis de montrer des cas de patients ayant développé des résistances, mis à part ceux qui étaient sous "non-nuc" : Sustiva ou Viramune. On ne savait pas qu'ils avaient une demi-vie plus longue et c'est pour ça que le virus se retrouvait seul en contact avec le "non-nuc" et il sélectionnait des résistances. Mis à part ces cas-là, il n'y en a pas eu d'autre où se sont développées des résistances. Ça c'est le premier point. Le deuxième point, c'est plus une information, concerne un essai démarré l’été dernier à l’ANRS : il va recruter environ 300 personnes ; les inclusions ne sont peut être pas encore finies et donc s’il y a des personnes qui sont intéressés par des interruptions de traitement, il est possible de rejoindre cet essai. —Dr Laurent Cotte— Cela dépend des centres mais si vous voulez rajouter des patients, il y a certainement possibilité. Et puis, il y a d'autres essais visant à aborder les deux aspects : économie de médicaments (écono- mie non au sens financier, mais en terme d'exposition aux médicaments), et malgré tout un effet immunitaire, avec un essai qui s'appelle ‘Intervac’ si je me ne trompe pas, comportant des périodes d’interruption avec de l'interféron juste au début de ces périodes, c'est schéma un petit peu complexe mais avec un rationnel sérieux. Une autre notion est à noter par rapport à ces interruptions : aujourd'hui, on parle d'interruptions séquentielles, c'est-à-dire interruptions et reprises de traitement, mais cela recouvre des réalités très diverses puisque dans ce qui est publié on a des extrêmes : une équipe américaine a proposé un traitement : une semaine de traitement, une semaine sans traitement… Cela peut sembler génial ! Je ne sais pas si c'est génial à long terme mais cela peut paraître effectivement très intéressant. A l'opposé, la plupart des études préconisent des périodes d'arrêt de quelques semaines, qui vont de 2 à 8 semaines avec des périodes de traitement qui sont généralement de quelques mois, et qui peuvent aller de 1 à 6 mois. Pour l'instant nous avons avant tout des questions par rapport à ces interruptions séquentielles de traitement ; il faut vraiment intégrer ceci comme n’ayant d'intérêt à long terme que si cela s'intègre dans une stratégie, c'est-à-dire qu'il faut que ce soit efficace : il ne faut pas perdre ce que l'on sait faire aujourd'hui avec des traitements continus, et il faut voir si on peut faire mieux en termes de tolérance notamment. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content —Intervenant—(Younès) Je crois que la stratégie, effectivement, c'est en termes de tolérance qui faut l’entendre ; c’est à dire, du point de vue du malade, c'est essentiellement dans la perspective de diminuer les toxicités. Il y a deux grands essais qui vont démarrer, et là on va peut-être avoir enfin des réponses sur les interruptions de traitement : - d'abord un essai suisse, australien et canadien sur une énorme cohorte qui va regrouper au moins
600 malades, portant sur une interruption 7 jours, 7 jours. L’avantage de ce type d’interruption de traitement c’est qu’en 7 jours la charge virale n'a pas le temps de décoller et donc le pari que l'on fait c'est que les T4 ne vont pas baisser et que la charge virale restera indétectable tout en consommant moitié moins de médicaments.
- le deuxième grand essai qui va démarrer, cette fois aux États-Unis, avec une cohorte qui va
regrouper 3000 malades, qui consistera en 2 mois d’interruption, 2 mois de reprise. Pour la première fois, mis à part l’essai Window démarré en France, ce n’est pas dans une perspective de booster l’immunité mais dans l’optique de diminuer la toxicité des molécules.
—Intervenant— J'écoute ce que vous dites, et je ne suis pas d'accord avec toi (Younès). Vous parlez des interruptions séquentielles, c'est-à-dire interruptions, reprises, interruptions de quelques semaines. Il y a des essais qui existent, peut-être très localisés sur certains patients, avec des interruptions beaucoup plus longues. Personnellement, j'ai eu une interruption de traitement de six mois, parce qu'à force de faire ces interruptions, de reprendre, de repartir, on a une gigathérapie qui n'est plus efficace, on arrête, au bout de 2 mois on essaie de repartir avec de nouvelles molécules, avec génotype, phénotype, etc., cela ne marche pas, on refait une fenêtre, on reprend autre chose, T20 et autres, cela ne fonctionne toujours pas… Après, il y a moment où le patient, c'est mon expérience personnelle, se retrouve très seul. Très seul, avec des médecins en face de nous qui n'ont pas vraiment de réponse. J’ai envie de renvoyer tout ça aux patients qui doivent avoir un rôle actif. Dans ce que tu disais, j’entends un rapport à une médecine toute puissance, la médecine qui doit apporter toutes les réponses. Or on a vu se développer, avec des maladies comme certaines formes de cancer ou le sida, un rapport complètement différent entre patient et médecin. Aujourd'hui, c'est peut-être aussi le rôle de certains patients de se prendre en charge avant de demander au médecin, ou plutôt en collaboration avec les équipes médicales, et c'est peut-être aussi le rôle des associations d'être plus près des patients et des attentes des patients, parce qu'il y a des choses que la médecine n'arrive pas à expliquer aujourd'hui. On dit qu'on ne peut pas rester en vie sans traitement avec une charge virale très élevée et des T4 très faibles ; je suis désolé, j'en suis la preuve : je suis toujours là. J'ai une charge virale au-delà de 500.000 copies depuis des années, des T4 qui ne décollent pas ; en termes de pourcentage, c'est très faible, de 3 à 5 jusqu’à 8 %. Je voulais faire cette précision et je pense que les autres ont d’autres choses à dire. —Dr Chiarello — Je voudrais répondre très rapidement. Les patients qui sont dans ton cas, ont certainement ont une très longue histoire mais souvent il y a eu à un moment donné peut-être un manque de soutien, comme tu l’as dit, peut-être un petit problème d'observance, parce que finalement ces molécules ont quand même une certaine puissance et lorsqu'on les prend bien, quelque part ça marche. Aujourd'hui, quand il n’y a plus de T4, on peut proposer d'aider les gens et leur immunité en donnant de l'Interleukine, il y a des choses que l'on peut proposer. Il ne faut pas non plus désespérer des molécules, elles sont toxiques mais elles peuvent aider. Et pour beaucoup de personnes que j'ai rencontrées qui étaient en échappement au
Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
bout d'une longue histoire, à un moment donné il y a eu un manque d'observance c'est-à-dire qu'un moment les molécules n'ont pas été prises ou mal prises. —Intervenant— Non, alors ça non. Ce n'est pas possible de dire ça. Il n'y a pas que ça. —Dr Chiarello — Je pense qu’il n’y a pas que ça mais peut-être que cela fait quand même partie de l'histoire. —Intervenant— J'aimerais quand même répondre cette question d'observance. Je crois que l’étude d’observance, c’est quelque chose de vraiment fourre-tout. —Dr Chiarello — C'est très difficile de demander à quelqu’un de suivre un traitement pendant des mois. —Intervenant— C'est très difficile de demander à quelqu’un de suivre un traitement pendant des mois, mais ils le prennent quand même, ils sont nombreux. Nous savons tous qu'il y a entre 5 et 10 % des patients qui sont en échappement, ce n'est pas le sujet de ce soir mais on peut en parler. Ils ont développé des tas de résistances et cela vient plus de leur histoire thérapeutique, parce qu'ils ont dû prendre des molécules fur et au mesure de leur arrivée parce qu'ils ne pouvaient pas attendre, et ils ont dévelop-pé des résistances. Donc au-delà de l'observance, qui peut effectivement exister dans des cas particuliers, mais dans les échappements graves qui existent aujourd'hui, c'est essentiellement cette population-là qui est touchée. —Dr Chiarello — Oui mais il y avait des propositions. Ce que je disais, est-ce que l'on peut proposer de l’immunothérapie ou autre chose C’est sûr que les résistances sont venues du fait que l'on n'utilisait des molécules sans disposer de génotype et qu'on s’est rendu compte après des erreurs qui avaient été faites. Je voulais quand même parler de ce problème de l’observance ce qui me semble impor-tant puisque finalement, prendre un traitement tous les jours, ce n'est pas anodin. —Intervenant— J'ai entendu des choses qui m'ont un peu interloquées. Parler d’effets secondaires subjectifs, c’est remettre complètement en cause la notion de jugement du malade. Il y a des effets secondaires, ils sont réels, ils ne sont pas subjectifs. Dans les classements des effets secondaires, vous classez les effets secondaires en tolérance et en toxicité. Et dans les effets secondaires que l'on peut tolérer, vous parlez des diarrhées ; est-ce que vous pensez réellement que des diarrhées que l'on va subir pendant 5 ans, c’est quelque chose qui peut être tolérable ? Je ne crois pas, je suis désolé, mais je ne peux pas entendre ça. Cela fait trois ans que j’ai un traitement qui ne provoque des diarrhées, et j’ai un médecin qui me dit « mais le traitement marche, alors les diarrhées vous vous en accommodez, ou alors on arrête ». Et bien non, je ne suis pas d'accord là-dessus. Ce n'est pas la peine d’avoir les yeux rivés sur la charge virale et les T4, si à côté de cela on ne peut plus avoir de relations sexuelles, si on peut plus courir, si on ne peut plus marcher parce qu'il des neuropathies, si on a des diarrhées qui arrivent à n'importe quelle heure du jour de la nuit. Si on ne peut plus vivre, uniquement pour avoir des T4 et une charge virale indétectable, je suis désolé mais j'abandonne le traitement et je fais autre chose. —Dr Cotte— Quand je parle de subjectif, ce n'est pas péjoratif. Subjectif, c'est par définition ce que vous ressen-tez, par-rapport à objectif, c'est ce que je peux voir. Quand vous dites que vous avez dix selles par
Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
jour, ce n'est absolument pas un effet subjectif. Je suis gastro-entérologue au départ, donc c'est quelque chose que je prône depuis des années dans mon service : un malade avec un petit bout de papier et un crayon qui me fait une croix à chaque fois qu'il va à la selle, ça c'est quelque chose de terriblement objectif. Et l’effet indésirable diarrhées, c’est quelque chose que spécifiquement nous nous sommes attachés à prendre en compte, ce n’est absolument pas subjectif. Ce n'est pas péjoratif cette façon de parler, c'est purement médical. Effectivement, si vous avez des diarrhées qui sont absolument insupportables, la discussion qu’il faut mener c’est : existe-t-il des alternatives à ce traitement qui permettraient de résoudre le problème diarrhées tout en maintenant l'efficacité ? Car si la charge virale est inférieure à 50, c’est certainement quelque chose d’important également. Mais cela relève du dialogue et des possibilités réelles ou limitées dans votre situation. Je ne voulais pas relancer le débat sur l'observance ; si j’en reste au titre de la réunion de ce soir qui est « mon traitement marche », je ne voulais pas déborder. Je voudrais juste rappeler que dans la prise en charge d'un patient, que ce soit dans la prise en charge des effets indésirables, que ce soit dans la prise en charge du vécu de telle ou telle combinaison de médicaments, puisque par défini- tion on utilise des combinaisons de médicaments, donc c'est parfois très difficile de savoir ce qui revient à tel ou tel médicament, comme tolérance, toxicité, dans cette prise en charge globale du patient, la totalité de l'historique est extrêmement importante.
On a parlé de temps tout à l’heure et c'est vrai que ce n'est pas en cinq minutes que l'on peut savoir retracer une histoire de traitement certainement très ancienne, certainement très compliquée, puisque vous avez eu des tas de médicaments, et que faire des graphiques, prendre du temps pour pouvoir analyser certaines choses, savoir que tel traitement n’a pas été bien pris parce qu'il me gavait, parce que j'en avais marre, pour telle ou telle raison, et puis celui-là je l'ai bien pris en pendant cette période mais il n’a pas marché au bout d’un certain temps, et puis après on a fait un arrêt, on a fait un génotypage, … Analyser tout ceci, cela prend énormément de temps et il n'y a qu’en analysant ceci qu'on peut arriver à trouver une solution qui réponde à l'objectif d’efficacité afin d'obtenir la meilleure tolérance possible pour la meilleure efficacité possible. Après, vous nous dites « j'ai peu de CD4, une charge virale monstrueuse et je suis là ». Et bien, c'est une très bonne chose pour vous, mais statistiquement ce n'est pas le cas de tout le monde. Donc, par rapport à votre situation, je ne sais pas si on peut vous proposer au plan médical telle ou telle molécule, telle ou telle combinaison de molécules, et ce serait certainement très compliqué de reprendre tout cela, ce n'est pas le lieu aujourd'hui. Mais ce qui est sûr, c’est qu'on ne peut pas préconiser ce que vous nous apportez comme expérience. Cela peut être vrai d’un point de vue très individuel, mais statistiquement, on a tous les chiffres, et malheureusement quelques centaines de malades morts derrière moi, pour dire que ce n'est pas le cas. Donc aujourd'hui c'est une chance que vous avez, mais… —Intervenant— Je disais ça dans le sens d’une prise en charge du patient par lui-même. Parce que vous parlez d'observance, mais il y a aussi la responsabilité de chacun par-rapport à ce qu'il fait. Ce n'est pas de mon cas que j’ai envie de parler. Ce que vous venez de dire, c’est vrai qu’on fait des recherches, etc. mais cela nécessite un rapport patient- médecin qui va dans le même sens : on ne peut pas se tirer dans les pattes quand on en est là, et dire « est ce que vous prenez bien le traitement ? » Mais c'est aussi de dire au patient que l'on peut améliorer son quotidien, que bien sûr c'est pénible de vivre avec cette maladie, mais on est obligé faire avec. Une fois que les données sont là, les situations sont toutes différentes, et si on a cinq diarrhées par jour, ou plus, ou d’autres choses, il n'y a pas que la médecine, il n'y a pas que les médicaments pour trouver des solutions : il y a l'alimentation, l'hygiène de vie. Alors il y a des choses qui ne sont pas Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
drôles faire, c'est vrai que cela passe par beaucoup de privations, il y a des choix. On ne peut pas tout avoir quand on est malade, et j'ai un peu l'impression que, ce qui me dérangeait dans le titre de cette réunion, c'est qu'on est malade, et si on se plaint, je sais pas bien où ça va nous mener. Prenons sur nous, travaillons avec les médecins, avec les associations, partageons nos idées, et on arrivera peut-être à faire avancer les choses. Ce n'était pas du tout personnel, c’était pour ouvrir un débat patient-médecin. —Jean-Patrick— Justement, à propos du titre du débat de ce soir « mon traitement marche, mais je ne suis pas content », je voudrais poser une question à Françoise (infirmière), qui est confrontée tous les jours à des gens qui sont malades. Peut-être y en a-t-il qui se plaignent par devers elle de problèmes. Quels sont les principaux problèmes ? Comment les gères-tu ? Quel est ton ressenti en tant que professionnelle médicale, mais aussi en tant que personne, devant ces gens-là ? Quel sont les différents problèmes dont les gens te parlent ? Et comment peux-tu les résoudre ? —Françoise— Le principe du soin infirmier, c'est adapter et personnaliser à chaque patient. Donc il est fonction de chacun. L’écoute par contre n’a pas changé, c'est la même depuis des années ; donc j'écoute, et j'essaye de personnaliser, en fonction de chacun. Tous les problèmes dont nous avons parlés, ils m’en parlent, ils le verbalisent bien sûr ; ils m’expliquent, et on fait le point. On essaye nous, au niveau infirmier, d'évoluer dans ce sens, c'est-à-dire de travailler pour aider le traitement. Il y a d’une part les médicaments, et d’autre part tout ce qui est autour. Et l’infirmier est là pour ça aussi, pour aider au traitement : c’est une autre façon de soigner, c'est un apport supplémentaire pour que les patients supportent mieux, comprennent mieux les effets secondaires. Ce que je veux surtout dire, c'est que ce sont des histoires que l’on vit ensemble depuis longtemps, et cette histoire on la fait évoluer ensemble, et on sent qu’ils ont besoin d'en parler avec quelqu'un qui n'a pas la même vision vis-à-vis de la pathologie. Bien sûr, que je m’intéresse aux CD4, à la charge virale, c’est essentiel parce que je vois bien ce qui s'est passé il y a quelques années, et comment ils vont maintenant. Voilà, l’infirmier, c’est autre chose, c’est forcément un soin adapté et personnalisé, donc cela tient forcément compte des effets secondaires dont on vient de parler précédemment. —Dr Cotte— Décidément, je monopolise le micro…. Mais ce que tu viens de dire, c'est extrêmement important : souvent ce qui est le plus important dans la gestion des effets secondaires, au sens très large des médicaments, c’est d'arriver en parler. Et ce n'est pas toujours au médecin qu’on arrive à en parler, c’est à dire que très souvent, c'est d'abord à l'infirmière, et puis l'infirmière n’est pas obligée de me rapporter tout ce que lui disent les patients, elle a aussi son secret professionnel. Mais parfois cela va être, avec l'accord du patient, le moyen de me présenter des choses dont je n'avais jamais entendu parler. Et parfois je tombe des nues en découvrant de certaines personnes, soit des effets secondaires dus aux médicaments, soit telles difficultés très ponctuelles liées à rythme de vie ou à l'entourage familial de la personne qui fait que telle situation avec tel médicament ou telle combinaison va être très difficile à vivre. Pourquoi est-ce qu'on arrive à aborder le problème, c'est avant tout parce que on a appris à en parler, et c'est souvent cela le plus difficile, d'arriver, dans la relation médecin-malade, à formaliser le problème et à voir ensuite effectivement où sont les priorités, et comment on peut gérer encore une fois les priorités, et éventuellement les hiérarchiser. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
—Dr Jourdain— Je voulais répondre à votre remarque, que je trouve très judicieuse. C'est vrai que c'est très intéres- sant car le débat de ce soir ne peut être qu'un ensemble de remarques générales, et je pense que justement l'intérêt d'avoir un médecin traitant est de pouvoir prendre le patient dans son individua- lité, c'est-à-dire que vous êtes unique. Là, on fait des généralités, et c'est sûr que c'est à vous de parler à votre médecin, en l'occurrence traitant. Parce que c'est vrai qu’en tant que médecin hospita- lier, on ne peut pas tout gérer non plus. Je travaille également en hôpital et en cabinet et c'est vrai qu'il y a quelquefois un problème de temps. Par contre, j’ai de nombreux patients qui viennent et qui m’exposent tout simplement leur le mal-être, et il est vrai que rester 5 ans avec des diarrhées, moi je ne trouve pas ça normal. C'est vrai que là, ça paraît un petit peu aberrant. Ceci dit, pour en revenir au fait que tout effet secondaire est une réaction tout à fait individuelle, et cela permettra de faire parler le docteur Pascal : j'ai une patiente que je suivais depuis 3–4 ans, et un jour (je la voyais trimestriellement), je l'ai vue venir avec une lipodystrophie manifeste. Elle avait pratiquement tout, au niveau du visage, les fesses, les jambes qui avaient les circuits veineux beaucoup plus visibles, et une hypertrophie mammaire. Et c'est vrai que lorsque je l'ai vue, je lui ai dit, avant même qu'elle me demande quoi que ce soit, « on arrête le traitement, on change ». Son mec qui était avec elle m'a dit qu’on ne change pas une équipe qui gagne. C'est du vécu ! La patiente a dit « OK, on continue ». Elle est effectivement revenue trois mois après en me disant « on ne va pas l'écouter l'autre, mais je vous écoute vous » En fait, je parle de cette patiente parce que j'aimerais savoir, ce n'est peut-être pas le but, le questionnement de ce soir mais, concernant les hypertrophies mammaires, j'ai des patientes qui ont des problèmes de lipodystrophie. Est-ce que cela pose un problème particulier ? As-tu déjà eu l'occasion de les opérer ? Et puis dernière question qui les intéresse au premier chef, comment peut-on faire pour qu'il y ait un remboursement de ce geste chirurgical ? —Dr Pascal— Concernant le remboursement, parce que c'est la question la plus facile, à partir du moment où on enlève plus de 200 g par sein, il est acquis qu'il s'agit de chirurgie réparatrice c'est-à-dire qu'il y a gêne fonctionnelle, et donc un remboursement Sécurité Sociale. Le chiffre de 200 g est variable suivant les régions : dans certaines, la base est 300, dans d'autres c'est 400, chez nous c’est 200, ils sont assez tolérants… C'est très simple, à 199 g, vous n'êtes pas pris en charge et à 200 g oui ; disons qu'il faut qu'il y ait une gêne fonctionnelle. De toutes façons, on a des photos et c'est très facile de montrer que cela ne va pas. Pour information, un sein normal, bonnet B, pèse 350 g, cela permet de se faire une idée de ce que c’est. Donc j'ai déjà eu l'occasion d'en opérer. De toutes façons, le chirurgien plasticien est le chirur- gien des lipodystrophies. On passe son temps à traiter des lipodystrophies qui sont dues à des causes multiples : une culotte de cheval c’est lipodystrophie, une hypertrophie mammaire c'est une lipodystrophie quand elle est composé principalement de graisse (parce qu'il y a des hypertrophies mammaires dues à la glande). Mais d'une façon générale, on traite les lipodystrophies, même au visage. Un des modes de vieillissement classique, est de perdre sa graisse au visage. Et donc, la lipodys- trophie n'est pas une nouveauté pour nous, on traite ça depuis tout le temps et il y a des tas de lipodystrophie qui sont dues à d'autres choses que les trithérapies : elles sont congénitales, elles sont hormonales, génétiques, etc. Ai-je répondu à ta question ? Mon traitement marche, mais je ne suis pas content —Dr Cotte— Peut-on continuer sur le thème ? Le traitement, lorsqu'on arrive à des situations extrêmes, effectivement, le traitementchirurgical représente souvent la seule alternative, après avoir éventuellement changé de médicaments, essayé de faire d'autres ‘soupes’. Pour les seins, on a une réponse claire ; pour les autres types de traitement, quelles sont les possibilités de prise en charge ? C'est souvent là où le bât blesse. —Jean-Patrick— Je voudrais juste intervenir : on vient naturellement de glisser directement sur les lipodystrophies. On sait qu’elles existent, qu'elles peuvent provenir des effets secondaires. Alors j'aimerais savoir dans quelles parties du corps elles peuvent se situer. À partir de quel moment peut-on considérer qu'il s'agit d'une lipodystrophie ? Existe-t-il différentes techniques de reconstructions sur l'ensemble du corps et surtout sur ce qui est le plus visible, c'est-à-dire le visage. En ce qui concerne le visage, il y a différentes techniques. Et enfin, quelles sont les prises en charge ? Je donne la parole au Docteur Pascal, et ensuite au Docteur Secchi. —Dr Pascal— Les lipodystrophies sont un trouble de la répartition des graisses c'est-à-dire après une tri- thérapie. Cela arrive en principe assez vite, et d'après les études cela concerne un quart des patients, on s'aperçoit qu'il y a un trouble de la répartition des graisses. En principe, l'arrêt du traitement nefait rien (je ne sais pas si le docteur Cotte est d'accord) : lorsque la graisse a migré, cela ne revient pas en arrière lorsqu'on arrête le traitement. Alors bien sûr elle ne change pas de place, mais elle disparaît à certains endroits et elle augmente à d’autre. Les lipodystrophies, ce sont deux choses : c'est d'abord la fonte graisseuse, qui peut atteindre le visage, mais également tout le corps. Certains patients font des fontes graisseuses totales de tout le corps et ça c'est bien embêtant parce qu’on n’a plus de graisse pour les remplir. On est obligé d'utiliser des matériaux synthétiques dont nous parlera le docteur Secchi. Par contre, il y a d’autres patients qui font des pertes à certains endroits, notamment au visage, aux membres inférieurs, aux fesses, et ces pertes sont souvent impression- nantes. Au stade où je le vois, et il n'y a plus rien. Au niveau du visage, c'est toujours les joues. Pas les pommettes, pas le bas du visage, les joues. Il y a une fonte graisseuse totale c'est-à-dire qu’il ne reste que la peau et les muscle, mais il n'y a plus rien entre. Et au niveau des membres inférieurs c’est pareil : on pince la peau et il n'y a rien dessous : la peau moule les reliefs musculaires. Cela peut avoir un retentissement esthétique mais aussi fonctionnel ; il m'est arrivé de voir des patients gênés pour s'asseoir. Il y avait une fonte totale au niveau des muscles fessier, au niveau des régions ischiatiques, puisqu’on s’assoit sur nos régions ischiatiques, et au niveau para-anal. Et cela pose des problèmes esthétiques et fonctionnels. Donc c'est le problème des fontes graisseuses - il y a un autre problème, c'est le problème des surcharges graisseuses. La surcharge se fait surtout au niveau de l'abdomen, du thorax (c’est à dire des seins), et aussi au niveau du dos et des hanches. En résumé : derrière, c’est dos, hanches. Devant, c'est seins et ventre. On a donc des gens qui ont des jambes toutes fines, visage toute émacié, le tronc est très surchargé, c'est-à-dire avec des plis cutanés qui dépasse les 5 ou 10 cm (on parle d'obésité tronculaire. Nous, chirurgiens plasticiens, sommes traditionnellement habitué à traiter l'excès de graisse (cela repré- sente environ un tiers de mon activité) et c'est pour cela que tout naturellement on a eu ces gens-là dans nos consultations. Le traitement de l’excès de graisse se fait par liposuccion, qui est une technique extrêmement efficace lorsqu'elle est bien pratiquée, et qui est définitive puisqu’elle consiste en fait à détruire le Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
tissu graisseux par aspiration : on détruit les cellules, donc il n’y a plus d’organe cellulaire qui peut stocker la graisse, et c'est donc définitif. Avec la liposuccion, il n'y a pas de limite en quantité et ni en répartition : on peut traiter tous les endroits possibles. On peut faire le dos, les hanches, … Deuxièmement, le remplissage graisseux. Donc les endroits qui ont perdu la graisse, on les re- remplit. Le plus facile, c'est le visage et ça marche très très bien. Depuis 1994, on sait greffer la graisse avec une grande précision et avec une grande fiabilité. On savait moins bien le faire avant, parce qu'on ne respectait pas certaines règles. La greffe de graisse, cela existe depuis 30 ou 40 ans ; on s'en servait beaucoup, notamment pour remplir des seins, pour traiter des défects post- traumatiques à la suite d’accidents. Mais c'est un américain de New York, qui s'appelle Sidney Coleman, qui a remis cette technique au goût du jour et qui nous a appris comment faire pour prélever ; les cellules de graisse sont préle- vées avec beaucoup de précautions, pour purifier la graisse on la purifie par centrifugation c'est-à- dire qu'on enlève toutes les cellules mortes, on enlève l’huile qui s'est créée par le prélèvement, on enlève le sang, l’eau, et on ne garde vraiment que des cellules vivantes, qui sont réinjectées immé- diatement par des tunnels qui mesurent environ 1 mm de diamètre. Il faut faire beaucoup de tunnels, (on en fait 100, 200 jusqu’à 1000 pour une joue) mais on sait que l'on dépose dans nos tunnel des cellules qui sont encore vivantes et qui continuent à vivre par imbibition, c'est-à-dire qu'elles prennent les nutriments des tissus environnants. Et il y a pratiquement 100% de prise si c’est réalisé dans ces conditions. Donc, on sait greffer la graisse. Alors le problème, c'est que, autant c'est facile au niveau du visage, et c'est très performant, autant aux membres inférieurs, se pose le problème des surfaces qui sont très importantes. Je traite très fréquemment les fesses parce que ça donne des surfaces qui ne sont pas trop importantes, toutes les régions ischiatiques. On passe pratiquement de zéro d'épaisseur à 5 cm d’épaisseur. On peut remettre des épaisseurs importantes, souvent en plusieurs fois, mais le visage, on peut le traiter en une seule fois. Mais quand on a des patients qui n’ont pas un gramme de graisse, il faut utiliser une autre techni- que. À ce moment-là, c'est le docteur Secchi qui s'en occupe. — Dr Secchi — Le problème, comme vient de le dire le docteur Pascal, c'était de trouver une solution pour ces patients chez lesquels on ne pouvait pas trouver de graisse pour la transplanter ailleurs. Alors il fallait trouver un produit implantable, que l’on connaît bien en chirurgie ou en médecine dite esthétique pour combler les rides. Évidemment, il ne s'agissait là pas de rides, mais de surfaces relativement importantes : souvent il fallait récupérer au moins 2 cm en profondeur sur une surface de près de 8 à 10 cm². Il nous fallait un produit qui soit surtout non toxique, donc un produit qu'on connaissait relativement bien et depuis suffisamment longtemps. Et pour cela on avait une seule molécule à notre disposition, qui s'appelle l’acide polylactique , une molécule utilisée depuis de nombreuses années, notamment dans les fils de suture, en chirurgie ophtalmologique, en chirurgie traumatologique, par exemple dans la reconstruction des ligaments. Et on avait une quasi-certitude d'innocuité du produit, ce qui est quand même le plus important. La deuxième obligation était d'avoir un produit qui soit biodégradable, c'est-à-dire dont on était assuré qu'au bout d'un certain nombre de mois ou d’années il finirait par disparaître. Cela peut vous paraître curieux, mais le fait qu'un produit soit biodégradable nous assure de sa sécurité. C'est-à- dire que même si on a effectivement une réaction de rejet à un moment ou un autre, dans la mesure où c’est un produit qui naturellement va être éliminé par les cellules l'organisme, la réaction de rejet Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
disparaîtra. On ne voulait donc pas se retrouver dans la situation que l'on a connue par exemple avec la silicone, pour parler d'un produit très connu et qu'on a beaucoup utilisé il y a de nombreuses années. La technique de l'injection de ce produit, qui s'appelle le "New Fill", et qui a obtenu l'accord de commercialisation en Europe en fin 1999, a commencé à être utilisée dans la lipoathrophies du visage chez les patients VIH début 2000, notamment à Paris où avait été ouverte une étude qui s’appelle l’étude Véga, dont vous avez peut-être entendu parler, et qui s'est déroulé à la Pitié Salpêtrière. Elle a inclut des patients pendant un an, en souhaitant les suivre pendant deux ans pour chacun d'entre eux. On vient tout juste d’avoir les premiers résultats préliminaires à un an. L’avantage de cette technique, c'est que la reconstruction est très progressive, ce qui souvent rassure les patients, dans la mesure où la technique de Coleman entraîne une transformation brutale et générale, et certains patients refusent cette technique simplement pour ne pas avoir à être jugés par le regard des autres, car du jour au lendemain on change : « pourquoi, que t’est-il arrivé ? » Donc, c'est une technique qui est beaucoup plus progressive. Elle a l'inconvénient d'être obligatoirement à renouveler parce que c'est un produit qui bio- dégradable ; la question était de savoir au bout de combien de temps. Avec l'étude Véga dont nous venons d’avoir les résultats préliminaires, il semble qu'après 12 mois au moins après la dernière injection, les résultats soient maintenus. On estime actuellement que le produit sera résorbé au bout de 18 à 24 mois, et cela nécessitera donc à ce moment de nouvelles injections. On n’a actuellement aucun problème avec ce produit, notamment aucun problème dans le cadre de la lipoatrophie du VIH. Les seuls problèmes qui aient été rapportés avec ce produit (c'était d'ailleurs dans des indications purement esthétiques) étaient liés à des défauts d'injection : les injections qui étaient trop superficielles, avec donc la perception de petites boules sous la peau qui correspon- daient en fait à l'agglomérat du produit. Voilà pour ce qui est des généralités sur le New Fill. Le problème, qui est aussi le problème des techniques de reconstructions, en autres la technique de Coleman, comme le fait le Docteur Pascal, c'est le problème du coût. Ce produit a fait l'objet d'une demande de remboursement depuis près d'un an maintenant au ministère de la santé. On nous répond toujours très favorablement oralement, jamais favorablement de façon écrite. En pratique, pour certains patients, parce que les médecins conseils sont quand même très au courant de ces problèmes-là, et ça dépend énormément du revenu de chacun, on fait des demandes d'aide exceptionnelle à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie dont on dépend, auprès du Fonds d'Action Sanitaire et Sociale. Pour près d'un patient sur deux, j'arrive à obtenir une prise en charge relative- ment conséquente puisqu’elle représente de 75 à 80 % du coût du produit. Effectivement, le produit reste cher, d'autant plus cher qu'il a été augmenté récemment, sans qu’on ait une explication très rationnelle. Le produit revient à près de 235 € l'injection et il en faut quatre à cinq. C'est un prix considérable : on arrondit à peu près à 1.000 € ce qui fait entre 6.000 et 7.000 francs. Donc on espère que dans les mois à venir, on avancera un petit peu du côté du ministère mais pour le moment, on n'a pas plus de renseignements. —Intervenant— Hormis les 4 à 5 injections, à combien revient l'acte chirurgical ? —Dr Secchi— Alors ça, c'est totalement variable. D'une manière générale, on le cote tous comme un acte, soit consultation, soit chirurgical ; normalement ils ne devraient pas mais les médecins conseils l’acceptent. Je le fais à 46 €, remboursés, pour chaque injection. Le nombre d’injections est très variable. J'ai les résultats de l'étude Véga, dans laquelle il y a eu une surveillance clinique, photographique, et échographique. On a mesuré l'épaisseur de la peau recons- Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
tituée ; le résultat était considéré positif lorsqu'on avait gagné plus d’1 cm d’épaisseur, ce qui est beaucoup. En l'occurrence, seuls 60 % des patients, au bout de quatre injections, ont obtenu de cette amélioration. Mais cependant 80 à 90 % avaient obtenu plus de 8 mm, il est vrai. Cela, on le voit dans la pratique quotidienne : il y a des patients qui répondent très vite et très bien –pour ceux-là, trois injections suffisent–, et il y en a d'autres pour lesquels cela va mettre beaucoup plus de temps. C’est un peu comme tous les problèmes de cicatrisation : on ne se ressemble pas tous. Pour résu- mer, quatre injections constituent la moyenne, mais certaines fois c’est trois, ou alors six.
—Intervenant— Je voulais juste répondre à propos du remboursement du NewFill. Si cela a pris tant de retard, c'est d'une part parce qu’il y avait une étude en cours et que les résultats n'étaient pas encore prêts, mais aussi parce que le laboratoire Biotech s'y est pris ‘comme un pied’ pour faire avancer ce dossier, malgré l'aide d'associations de malades. Il a donc une part de respon- sabilité. Maintenant, avec le changement de gouvernement, Dieu sait si on peut espérer obtenir un remboursement rapide ou si cela va encore prendre du temps. J'ai par ailleurs une question à poser au docteur Pascal. A propos de la technique de liposuccion- réinjection, dans le cadre de… —Dr Pascal— Cela s’appelle la lipostructure ou Coleman, du nom du chirurgien… —Intervenant— .donc la technique de Coleman, il y a, comme vous l'avez expliqué, des problèmes au niveau du visage que vous arrivez à résoudre assez facilement. Cela se passe sous anesthésie générale, je crois ? —Dr Pascal— Je préfère la pratiquer sous anesthésie générale, mais on peut aussi pratiquer sous anesthésie locale. C'est-à-dire que suivant la sensibilité du chirurgien, ce n'est pas tellement la sensibilité du patient mais surtout celle du chirurgien, il y a quand même plusieurs sites d’intervention : - il y a d’abord le prélèvement, que l'on fait en principe sur l'abdomen. Il faut déjà faire une
anesthésie locale. Cela dépend combien on veut mettre, mais souvent pour remplir, on a besoin de 30 cm³ par côté.
- ensuite, il y a la réinjection. Et là, pour mettre 30 cm³, il faut à peu près 300 passages. Donc cela
fait 600 passages. C’est sous anesthésie locale, donc il faut quand même quelqu'un de bien constitué ; tant le chirurgien qui voit son patient souffrir, que le patient qui souffre.
—Intervenant— L’autre question concernait les autres sites d’injection : il y a les fesses, vous avez expliqué que ça marche plutôt bien. —Dr Pascal— Oui —Intervenant— Et puis il y a aussi un autre problème qui est rarement pris en compte, ce sont les appuis, pour les pieds, par exemple. Il y a aussi là une couche de graisse et souvent quand on est lipoathrophié de partout, on l'est aussi au niveau des zones d'appui et on a des difficultés à marcher. Est-ce que vous avez déjà essayé de faire des injections à ce niveau-là ? —Dr Pascal— Non, je n'ai jamais eu le cas, mais la greffe de graisse marche bien même sur des zones avec pression, exemple les fesses. Chaque fois que j’ai réinjecté dans les fesses, au début j'avais peur que cela parte à cause de la pression, mais en fait, la graisse tient bien. Donc pourquoi pas dans la plante des pieds… Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
Mais je ne l'ai jamais fait ; je n'ai jamais eu la demande. —Intervenant— Je crois que vous n'avez jamais eu la demande parce que les patients confondent généralement neuropathies avec douleurs au niveau des pieds, des appuis et en fait, c'est en les questionnant qu'on arrive à les détecter. Il y a eu plusieurs cas à Paris où il s'est avéré que c’était dû plus à une fonte de graisse au niveau appuis qu’à des neuropathies.
—Jean-Patrick— On a vu ces deux techniques, je voudrais savoir s’il en existe d'autres. J’imagine que les deux techniques que vous nous avez présentées sont bonnes ; est-ce qu’il y en a une qui est meilleure que l'autre ? Est-ce qu’il y a des indications particulières pour les utiliser, l'une ou l'autre ? —Dr Pascal— Ce sont de techniques très très différentes : - le remplissage de graisse, ou Coleman, c’est chirurgical ; c'est-à-dire qu'il faut aller au bloc
opératoire. On fait par contre des plus grandes quantités, mais cela reste une opération.
- tandis que le NewFill, cela se fait uniquement cabinet, il n'y a pas besoin d'aller au bloc
opératoire. Par contre la durée de vie du produit est 12 à 18 mois, alors que la graisse, c'est définitif.
—Intervenant— Quand ça marche, quand la greffe prend… —Dr Pascal— Oui, quand ça marche, c'est définitif. Mais pour l'instant, et c'est la vraie vérité, je n'ai jamais eu de problème de rejet. Donc, si elle est vraiment mise en place avec sérieux, il n'y a pas de problème. —Intervenant (Younès)— Non, parce que le docteur Levant (inconnu !, ndt), qui était venu une fois à une réunion à Paris, il opère à l'hôpital Rothschild, avait présenté ces techniques, et nous avait effectivement parlé de toutes ces améliorations qu'il y a eu par rapport à 4 ou 5 ans de cela. Il s'avère néanmoins qu'effecti- vement il n'y a pas 100 % de réussite. —Dr Pascal— D'accord, on ne dit jamais 100 % en médecine ; dans mon expérience, pour l'instant, on va dire sur une quinzaine de cas, je n'ai pas eu d'échec. Mais cela veut dire quand même que c’est fiable. Ceci dit, le NewFill, c’est 12 à 18 mois, donc après il faut recommencer. Les quantités sont égale- ment moins importantes. Même si la réaction fibreuse permet quand même d'avoir une amélioration d'épaisseur. —Jean-Patrick— J'aimerais quand même savoir s'il a des contre-indications , concernant le transfert de graisse, mais aussi injection de NewFill. —Dr Pascal— Concernant le transfert de graisse, aucune. Pas de contre-indication. Il faut qu’il y ait de la graisse. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content —Dr Secchi— Pour résumer, je crois qu'il faut exposer les deux techniques au patient. Comme vous l'avez dit tout à l’heure, je crois que tout le monde n’est pas prêt à la modification brutale, tout simplement vis à vis de l'entourage. La deuxième décision, est liée aussi à la présence ou non de graisse ailleurs : il y en a chez qui la technique de Coleman n’est tout simplement pas envisageable. Concernant les contre-indications, le docteur Pascal vous l’a dit, manifestement il n’y en a pas. Pour ce qui est du NewFill, il y a évidemment l’état cutané : en général il faut qu’il n’y ait pas d'infection évolutive, puisque l’on pique en de multiples endroits. Il y a éventuellement les allergies connues à un des constituants du produit. L’acide polylactique, la molécule active, est contenue dans un véhicule qui est la méthylcellulose. Les allergies à la méthylcellulose sont toujours possibles, mais en l'occurrence c'est exceptionnel. En résumé les contre-indications absolues de traitement son très rares, pour ne pas dire absentes actuellement. Je dis actuellement, car dans ce genre de domaine, on apprend beaucoup en même temps que vous, et on n'est jamais sûr de rien. — Dr Pascal — J’auras une autre question à poser au docteur Secchi : est-ce que tu déjà eu l'occasion d'utiliser d'autres produits que le NewFill, parce qu'on parle du Perlane , du Reviderm. — Dr Secchi — Et d’un autre qui sort. Je pense qu'il y a un marché . Le Perlane, c'est probablement un produit bien aussi efficace que le NewFill mais peut-être je pense moins longtemps, et surtout qui coûte beaucoup plus cher. 1 mm de Perlane coûte 140€ (900F), pour le NewFill 6 mm qui coûtent 230€ (1500F), donc quasiment du simple au quadruple. Parmi les nouveaux produits qui viennent de sortir, il y a un qui s’appelle le Outline5, pour cinq ans. Le laboratoire prétend que le produit va durer cinq ans. En l’occurrence, il le définit comme un produits inerte. Donc, c'est ce que je disais tout à l’heure, c'est un produit que je n'utiliserai pas parce que j'ai un peu peur des réactions à corps étrangers ultérieures. Effectivement, il y a encore l’autre, mais que je ne connais pas du tout. Chaque laboratoire a pour idée de lancer une étude, probablement pour copier l’étude Véga, chacun ayant pour objectif d’obtenir le remboursement dans l’indication de la lipoathrophie des antiretro- viraux. Mais ce que je voulais aussi dire que la lipoathrophie de 2002, ce n’est plus la lipoathrophie d’il y a 4 ou 5 ans, c'est-à-dire que, pour donner un petit peu raison à certains d’entre vous dans la salle, je crois que les médecins prescripteurs des antirétroviraux n'ont initialement pas tout à fait pris en compte la souffrance que ça imposait aux patients, et je crois que maintenant cela a beaucoup changé. Notamment dans les prescriptions on en tient énormément compte ; peut-être donc que dans les années à venir, on n'aura pas à gérer de façon aussi aiguë le problème de la lipoathrophie.
— Dr Cotte— Je voulais quand même émettre au moins une contre -indication à cette technique , ce sont les gros désordres de coagulation, c'est évident. Si vous avez une cirrhose avec un effondrement d’un certains nombre de facteurs de coagulation, et que vous avez un risque de saignement massif, il est évident que comme pour toute intervention chirurgicale, on va peser encore une fois le rapport entre coût et le bénéfice. Si vous risquez de faire un énorme hématome au niveau de la joue, c’est tout de même embêtant. C'est une contre-indication, et c'est très certainement la seule réelle contre-indication. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
Il y a un deuxième point, que je ne mettrais pas en contre-indication, mais je crois qu'il faut voir la situation globale du patient. Je ne pense pas qu'il faille réserver ces techniques, ce type de prise en charge, au patient idéal, qui a 800 CD4 et une charge virale inférieure à 50 depuis 3 ans. Malgré tout, je pens e qu’il faut être très prudent pour proposer destechniques chirurgicales ou médico-chirurgicales chers à des patients très immunodéprimés, pour lesquels on peut avoir d'autres priorités, et je pense qu’il faut avoir d'autres priorités.
— Intervenant— Il paraît qu’il n’y a aucune contre-indication, notamment avec le NewFill, même pour des patients qui sont très immunodéprimés. Ils se regardent aussi dans la glace. — Dr Cotte— Il faut bien peser les choses dans ces conditions extrêmes. Je ne pense pas encore une fois qu'il faille réserver ces techniques au patient idéal, mais chez quelqu'un qui a très peu de CD4, je serai réticent à le proposer. Même si ce n'est sans doute pas une contre-indication absolue. Alors que le trouble de la coagulation, c'est une réelle contre-indication. — Intervenant (Younés)— J'ai une question, non pas à propos de la réparation -parce que je n’appelle pas cela reconstruction mais réparation- que je voudrais poser au docteur Cotte à propos de l'Efavirenz (Sustiva). Il semble qu'il y ait une accumulation de graisse aussi à cause de cette molécule. Est-ce que vous en avez observé, et où est-elle localisée ? — Dr Cotte— L’Efavirenz, inhibiteur non nucléosidique de transcriptase inverse : - au plan métabolique, induit très volontiers des hypertriglycéridémies, a peu d'effet sur le
- au plan clinique, on observe des syndromes lipo-hypertrophiques sous Efavirenz, qui sont beau-
coup moins fréquent que sous certains antiprothéases, mais qui sont réels.
Dans cette famille des inhibiteurs non nucléosidiques, il est clair que l’Efavirenz influence plus les graisses que la Névirapine, l'autre molécules de cette famille actuellement commercialisés, moins utilisée pour des raisons de toxicité un peu différente. Après, il y a un point un peu particulier avec l'Efavirenz, c’est qu'il a été décrit chez l'homme, et j’en ai observé au moins deux cas, il s'agit de gynécomasties, c'est-à-dire une accumulation de graisse. On ne sait pas aujourd'hui si c'est une accumulation de graisse ou un gonflement, une hypertrophie de glande mammaire de l'homme . Ce n'est pas très fréquent, mais ça a été décrit et c'est un peu spécifique avec cette maladie ; il y a quelques cas décrits dans le monde. — Intervenant (Younés)— Je peux continuer ? J'ai l'impression de monopoliser la parole, mais vous pouvez poser des ques- tions, vous savez ! (il s'adresse au public, ndt) Comme vous êtes aussi hépatologue, j'ai appris récemment que certains traitements pour la bi thérapie -pour l'hépatite Cnotamment- aggravent la lipoathrophie. Est-ce que vous avez observé quelque chose de comparable ? — Dr Cotte— Le traitement de la co-infection VIH VHC, est très compliqué. Là aussi, c'est typiquement un traitement pour lequel la prise en charge a considérablement évolué. De même, la perception du fait qu'il fallait prendre en charge cette co-infection en tant que telle a considérablement évolué dans les dernières années. Mon traitement marche, mais je ne suis pas content
Aujourd'hui, les patients co-infectés VIH VHC, ne sont pas traités de la même façon que les autres patients séropositifs. Pourquoi ? Parce que les objectifs de traitement de l'hépatite C peuvent prendre, non pas le dessus sur le traitement contre la séropositivité, mais on s'aperçoit qu'il faut gérer les deux choses en même temps. Concernant la toxicité, le traitement de l'hépatite C aujourd'hui repose de sur une bi thérapie d'interféron retard, le plus souvent, et d’une molécule, qui s'appelle la Ribavirine, qui est un nucléo- side. C'est une molécule de la même famille que l'AZT, la DDI la D4T dont on a déjà parlé. On sait qu'il y a d'abord une interaction au plan du métabolisme intracellulaire entre cette Ribavirine et l'AZT ou la D4T ; une interaction qui pourrait aller dans le sens d'une diminution de l'efficacité de l'AZT et de la D4T. Il y a eu une étude qui a testé spécifiquement cette hypothèse et cette interaction en tout cas n'est pas visible mais elle existe : si on met des cellules dans une boîte, qu’on teste l'action des cellules infectées par le virus, qu’on teste l'action de l'AZT ou de la D4T, et qu’on rajoute la Ribavirine, cela marche moins bien. Dans la boîte ça marche bien, mais sur l'homme ça continue à marcher. Le mécanisme cellulaire de ce type d’interaction est sans doute responsable d'une aggravation de la toxicité de certaines molécules de la famille, non pas l'AZT, mais surtout la D4T et la DDI. Ce qui a été montré, c'est que l’association D4T-DDI et Ribavirine était fortement toxique au niveau de la toxicitémitochondriale. Cela veut dire qu'on a observé avec ce type d’association des compli- cations sévères de type pancréatites, de type acidose lactique , et parfois des complications dramatiques. Donc ce type d'association n'est pas contre-indiquée mais nécessite une surveillance tout à fait sérieuse. Et comme on pense que cette toxicité mitochondriale est également le point de départ de l'attaque lipoathrophique que l’on va observer avec le Zerit, il y a eu quelques rapports, pour l'instant anecdotiques, qui tendraient à montrer que la Ribavirine, en association avec ces molécu- les, et peut-être même la Ribavirine toute seule au long cours, pourrait entraîner ce type d'action. Il est possible, peut être vraisemblable qu'il y ait une aggravation des lipoathrophies par la Ribavirine , lorsqu'on est dans les conditions où on risques d’avoir une lipoatrophie, lorsqu'il y a du Zerit, et surtout l'association D4T-DDI, qui majore ce type de toxicité. Ce n'est pas démontré. Malheureusement, les choses se compliquent un petit peu, puisque la Ribavirine a une toxicité hématologique. Tout à l’heure, j'ai parlé de l'AZT, 5 % des patients sous AZT vont développer une anémie ; sous Ribavirine, c’est 100 %. Mais généralement c'est une anémie modérée. Simplement, lorsqu'on additionne les causes d’anémie, en risque d’avoir plus fréquemment des toxicités. Donc AZT + Ribavirine, c'est pas terrible non plus. Dans les possibilités, on a plutôt des contraintes qui peuvent être contradictoires et c'est une des raisons pour lesquelles le traitement de cette co-infection VIH VHC est aujourd'hui encore délicat, d'autant plus que pour l’instant les résultats des traitement étaient relativement décevants.
On commence à voir maintenant des traitement qui marchent aussi bien chez les patientes co- infectés VIH VHC que chez les patients qui n'ont que l'hépatite C. On commence à voir des traite- ment qui sont très efficaces, mais jusqu'à présent le traitement étaient à la fois difficile, à la fois souvent toxique, et à la fois souvent décevant. Mais les choses changent beaucoup. Encore une fois, alors cela n'a pas été aussi spectaculaire pour l’hépatite C qu'avec les trithérapies, pour lesquelles en 6 mois on a vu que ça révolutionnait les choses, avec l’hépatite C il a fallu 3 ans.
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